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Désintox

Le FN commence à oublier qu'il défendait la retraite à 60 ans

Nicolas Bay, secrétaire général du Front national, affirme que le retour à l'âge légal à 60 ans n'a jamais été la position du parti. C'était pourtant dans le programme de 2012.
Nicolas Bay, le 17 février, à Nanterre. (Photo Jacques Demarthon. AFP)
publié le 19 mai 2015 à 11h18
«Nous n’avons jamais défendu la retraite à 60 ans. Nous avons défendu le principe des 40 annuités, ce qui est un peu différent. C’est d’autant plus différent que personne ne peut atteindre les 40 annuités à 60 ans, compte tenu de l’âge plus tardif de l’arrivée sur le marché du travail.»

Nicolas Bay, secrétaire général du FN, le 18 mai sur le site de Boursorama

INTOX. Libération a récemment expliqué pourquoi le FN est tenté de tempérer l'inspiration très sociale de certains aspects de son programme, afin de complaire à un électorat de droite potentiellement dérouté par une ligne économique trop marquée à gauche… Lundi matin, Nicolas Bay a fourni une amusante illustration de cet embarras. Interrogé sur le site de Boursorama par un journaliste à propos de la retraite à 60 ans, le secrétaire général du FN a affirmé que cette position n'a jamais été celle du parti : «Nous n'avons jamais défendu la retraite à 60 ans. Nous avons défendu le principe des 40 annuités, ce qui est un peu différent.»

DÉSINTOX. Ainsi, le FN n'aurait jamais défendu la retraite à 60 ans ? Gros mensonge et curieuse amnésie qu'un simple regard sur le projet de Marine Le Pen pour 2012 suffit à guérir.

Voilà ce qu'on y lit : «L'objectif doit être fixé de revenir le plus rapidement possible au principe de 40 annuités de cotisation pour pouvoir bénéficier d'une retraite à taux plein. L'âge légal sera progressivement ramené à 60 ans ; pour les travailleurs ayant débuté leur activité professionnelle précocement, des négociations par branche et par secteur détermineront les modalités d'une possible dérogation à cette règle des 60 ans.»

C’est très clair : retour à l’âge légal à 60 ans, avec possibilité d’y déroger (et donc de partir avant) pour les carrières longues commencées tôt.

Le 25 janvier 2012, sur France Inter, Marine Le Pen ne disait pas autre chose, défendant le retour à 40 annuités pour accéder à la retraite à taux plein ainsi qu'un âge légal de 60 ans : «60 ans, c'est un âge correct», disait-elle.

Le 13 octobre 2013, sur RTL, Marine Le Pen assumait à nouveau ce retour aux 60 ans et expliquait qu'on pouvait financer la mesure par une réduction des dépenses publiques, citant notamment les 70 milliards (montant farfelu, comme l'avait montré Désintox) que coûterait chaque année l'immigration.

Aujourd'hui, il semble que le FN soit moins affirmatif. Ainsi, Nicolas Bay n'a retenu qu'un aspect du programme (le retour aux 40 années de cotisations) et passe volontiers à la trappe le retour à l'âge légal à 60 ans. De manière amusante, Nicolas Bay flingue d'ailleurs la proposition d'ensemble du programme de 2012, puisqu'il affirme que cela n'aurait aucun sens de ramener l'âge légal à 60 ans sachant, explique-t-il, que «personne ne peut atteindre les 40 annuités à 60 ans, compte tenu de l'âge plus tardif de l'arrivée sur le marché du travail». Manque de pot, c'était bien le programme du FN.

Un récent passage de Marine Le Pen sur Europe 1, en janvier, avait déjà permis de percevoir une prise de distance vis-à-vis de cette promesse de campagne très marquée à gauche. Interrogée sur la retraite à 60 ans, Marine Le Pen avait fait une réponse très virulente sur la forme… mais beaucoup moins affirmative sur le fond : «Ce que j'ai dit, c'est une question de principe, j'en ai soupé de voir ces responsables politiques qui demandent en permanence aux Français des sacrifices inouïs, de plus en plus, on augmente les impôts, on augmente les taxes, on augmente les cotisations, on leur demande de travailler plus avant même d'avoir fait les économies essentielles à faire. Et les économies concernent l'immigration…»

Relance de l'interviewer : «Vous maintenez la retraite à 60 ans?» Réponse de Marine Le Pen : «Moi je pense que la retraite à 60 ans est viable sur le plan économique. Lorsque nous aurons fait toutes les économies nécessaires sur les gabegies de l'Etat, nous reverrons la situation, si nous nous rendons compte qu'il faut travailler plus longtemps, alors nous vous dirons précisément les raisons pour lesquelles il faut le faire.»

D’une promesse de campagne en 2012, le retour à 60 ans n’était donc plus qu’une éventualité dans la bouche de Marine Le Pen en janvier 2015. Et quelque mois plus tard, Nicolas Bay aimerait même faire oublier que le FN s’y était engagé.