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Libération
TRIBUNE

Que doit faire la gauche ?

La gauche a besoin d’une renaissance du Parti socialiste.
Le député PS Christian Paul, le 21 avril 2015 à Paris. (Photo AFP / Joel Saget)
publié le 19 mai 2015 à 17h06

Quiconque ose un vrai tour de France revient amoureux, fasciné par tant de projets, d’énergies, de créativité, et de solidarités agissantes. Et meurtri par la géographie des territoires en sécession. Cette carte relate l’appauvrissement, la désindustrialisation, les lieux abandonnés de la République, et l’installation durable du Front national.

Par tempérament, je ne peins jamais le monde en noir. Mais, je suis lucide sur l’état moral et économique du pays. En 2012, nous avons fait lever un espoir, qui a été déçu. Si nous restons pris dans la gestion à courte vue et dans la routine du pouvoir, les conséquences seront incalculables pour la France. Nous gérons mieux que la droite, qui laissa, avec Nicolas Sarkozy, le pays naufragé et divisé. Mais, on ne peut se borner à découvrir un manque de compétitivité. Le redressement du pays ne se réduit pas à un simple récit comptable. La France aime l’ambition de faire mieux, et de le dire au monde. Que doit faire la gauche pour que ça marche ?

Ce n’est pas rien, la gauche. Quand elle exerce le pouvoir, on attend d’elle des transformations positives, une empreinte sociale, des conquêtes démocratiques, une exigence républicaine. Il y a toujours eu plusieurs gauches.

En 2015, deux se distinguent au sein du Parti socialiste et de la gauche de gouvernement. L’une transpose en France ce que le social-libéralisme a produit en Europe. La crise de 2008 aurait dû mettre les pendules à l’heure. Mais, le libéralisme économique est une pensée liquide, qui infuse avec constance dans le PS, avec pour priorité la seule adaptation à la mondialisation qui s’accélère. Derrière les verrous, que l’on prétend débloquer, se niche le fatalisme. On ne succède pas au socialisme avec pour seul bréviaire le pragmatisme.

Il est aussi une gauche de transformation, en pleine réinvention. Elle ne renie pas ses combats, ni ses valeurs. Elle a nourri notre projet pour 2012. Je la vois authentiquement populaire, car elle sait qui elle défend. Je la veux résolument moderne et crédible, car nous devons affronter les yeux grands ouverts les transformations radicales qui sont désormais partout engagées - productives, écologiques, numériques, culturelles. La gauche volontaire, en mouvement, en résonance avec la société, c’est celle-là.

La gauche ne mérite le pouvoir que pour transformer le pays. Elle ne l’exerce au profit de tous que si elle réussit à être à la fois efficace et juste. Sous des formes différentes, beaucoup de socialistes le pensent au sein de notre parti. S’ils le décident majoritairement, nous porterons un agenda des réformes pour deux ans au président de la République, dès le lendemain de notre congrès. Cet agenda crée les conditions de la reprise réelle des investissements et d’une croissance durable, plus riche en emplois. Les milliards alloués aux banques n’ont pas servi à financer les projets de nos entreprises et de nos concitoyens. Elles seront notées sur leur responsabilité territoriale, et sur les services rendus aux PME.

Ce calendrier garantit le respect de nos engagements. Soucieux de justice, il n’invoque pas la complexité pour abandonner la réforme fiscale, ou l’inflation zéro pour geler les bas revenus ! Et pour rendre fécond le moment citoyen du 11 janvier, nous proposons un «plan République».

Notre peuple se détourne de la politique lorsque la politique se détourne de lui, quand il se sent hors circuit. Une grave défaillance démocratique frappe la France : abstention massive, vote extrême de punition, décrochage de notre électorat. On répondra en bannissant le cynisme qui abuse la démocratie. Les citoyens doivent prendre place dans la boucle des décisions qui les concernent. Accompagner vraiment les projets qui naissent dans la société, à commencer par ceux des jeunes, sera le début d’une reconquête de la confiance.

Le Parti socialiste doit assumer ses responsabilités. Il passe mal de l’opposition combative, au pouvoir qui le rend passif et conformiste. Les observateurs parlent à nouveau de Solférino comme d’un «vaisseau fantôme». La séquence de reconstruction entamée avec Martine Aubry n’aurait pas été close en 2012, si ses successeurs ne s’étaient pas évertués à ce qu’elle soit une parenthèse.

On disait le congrès de Poitiers déjà écrit. Quand on veut «tuer le match» à l’avance, étouffer et esquiver les débats, on assassine l’intelligence collective. Le PS doit récuser la pensée unique, l’anémie démocratique et la supercherie. Je plaide pour la clarté des idées. Je m’étonne qu’un texte, paravent très fragile et pas vraiment sincère, nous en détourne.

Notre rassemblement s’est imposé. D’autres viendront, pour un sursaut, non pour une crise. La gauche a besoin d’une renaissance du Parti socialiste. L’unité, dans la bouche de Jaurès, est un talisman précieux. A la fin de la SFIO, et chaque fois qu’on veut la forcer, c’est juste un somnifère. Elle se retrouvera dans la clarté et la loyauté. Pour réussir ce quinquennat, nous devons regarder ensemble plus haut et plus loin.