Claude & Sarkozy, 9 140 clients recensés (selon une perquisition effectuée en mai 2014), du genre huppé. Un cabinet d'avocats officiellement dédié aux «affaires d'aménagement et d'expropriations immobilières», selon Me Claude, lors de sa mise en examen en décembre. Affaires de pierre agrémentées de divers dossiers apportés par son partenaire historique, Me Sarkozy.
En 2014, ce cabinet d'un genre particulier affichait un chiffre d'affaires de cinq millions d'euros, pour un bénéfice de 550 000 euros, l'un et l'autre en hausse de 23% sur un an. Grâce à «la réintégration effective d'un associé, qui a permis d'assurer une mobilisation plus importante à l'égard de la clientèle», précisait son rapport annuel. Un associé qui n'est autre que Nicolas Sarkozy.
Actions «louées». Ces amis de jeunesse neuilléenne, bien que Me Claude témoigne mystérieusement avoir «vécu environ vingt ans en Suisse», font tandem depuis 1987. Nommé ministre en 2002, Me Sarkozy quitte officiellement la robe pour se consacrer entièrement à la politique. «Omis» du barreau des avocats, il reste néanmoins actionnaire du cabinet, continuant à percevoir un tiers des dividendes. En 2007, élu à l'Elysée, il fait mine de couper les ponts avec le cabinet, rebaptisé temporairement Arnaud Claude et associés. Sauf que l'ex-associé se contente alors de «louer» ses actions : il ne touche plus de dividendes mais perçoit un «loyer» de 2 000 euros par mois.
Retour à la normale fin 2012, après sa défaite à la présidentielle : Me Sarkozy réintègre son giron dans l'avocature et le cabinet est renommé à cette occasion CSC, pour Claude-Sarkozy-Claude, une petite place ayant été concédée à Me Christopher Claude, fils de son père. Avant d'en faire une autre à Jean Sarkozy, une fois achevées ses études d'avocat ?
En matière immobilière, le cabinet truste les mandats dans le département des Hauts-de-Seine, bastion du sarkozysme et des promoteurs immobiliers. La Semarelp, société d'économie mixte de la mairie de Levallois, «est un gros client du cabinet», admet Me Claude, jurant toutefois n'avoir «jamais été l'avocat de M. ou Mme Balkany» - même si les enquêteurs ont déniché à son cabinet une ébauche de dossier au nom de leur fils Alexandre. Preuve de sa neutralité, Arnaud Claude proclame être l'avocat de la commune depuis le début des années 80, avant que Patrick Balkany ne ravisse la mairie.
Me Arnaud Claude concède aussi être «proche du groupe Barrière». On déniche ici plutôt la patte de Me Sarkozy, qui, bien avant de célébrer son élection à l'Elysée en 2007 au Fouquet's (propriété de ce groupe dédié aux hôtels et casinos), conseillait de longue date son PDG, Dominique Desseigne. Des cadors dépendant de la commande publique, comme Bouygues ou Dassault, prennent aussi un abonnement au cabinet Claude-Sarkozy. Comme un ticket pour voir.
Mediator. Au risque du pataquès, comme avec les laboratoires Servier. Son fondateur, Jacques Servier, est un autre «client historique» du cabinet. Au début des années 2000, il avait saisi Me Sarkozy (mais aussi Raymond Soubie, futur conseiller social élyséen) en vue de confier le contrôle de son groupe pharmaceutique à une fondation immatriculée aux Pays-Bas - pour des raisons fiscales mais aussi de transmission du patrimoine. En le faisant grand-croix de la Légion d'honneur en juillet 2009, le président Sarkozy n'oubliait pas son étiquette d'avocat : «Vous avez fait de votre groupe une fondation, Raymond et moi avons joué un rôle.» Quand finira par éclater un an plus tard l'affaire du Mediator, produit phare des laboratoires Servier, il sera temps de couper le cordon.