Vendredi, 16h30 : Jean-Christophe Cambadélis arrive au siège du PS, rue de Solférino. Costume sombre, chemise blanche, le premier secrétaire monte, à pas de loup, les escaliers en pierre blanche qui mènent à l'étage où se trouve son bureau. Tranquille. En haut des marches, il serre quelques pinces, évoque son programme des prochains jours : «Des rencontres avec des élus et, peut-être, un déplacement à Nancy.» Avant de s'éclipser, au même rythme.
Le premier secrétaire sortant a quelques raisons de se montrer détendu au lendemain du premier vote militant avant le 77e congrès du PS, qui se tiendra à Poitiers. Il n'est pas encore élu par les adhérents, mais n'a aucun risque de ne pas l'être, jeudi, dans un duel face à Christian Paul. «Camba» a déjà sa majorité. A l'aise : sa motion, la A, obtient 60% des voix des adhérents PS. Derrière, la B de Paul et de l'aile gauche élargie arrive à 29%. Suivent la D de la députée Karine Berger (9,5%) et la C de Florence Augier (1,5%). Large victoire pour Cambadélis qui cache une misère socialiste : à peine plus d'un adhérent sur deux (54,5% des 131 000 autorisés à voter) s'est déplacé jeudi soir. Avec ses 60%, la ligne Cambadélis, celle qui doit apporter un soutien sans faille à François Hollande et à la politique du gouvernement, a été choisie par environ 40 000 socialistes. A peine un noyau. La direction en convient : depuis le dernier congrès, en octobre 2012 à Toulouse, ce sont 40 000 militants qui ont déserté la maison commune.
Lieutenant. Cambadélis va devoir s'employer s'il veut que son «Renouveau socialiste» - le titre de sa motion - permette de bâtir un parti à «300 000, 400 000, 500 000 adhérents», comme il l'a répété vendredi matin. «On doit se mettre au travail pour reconquérir nos militants», admet son bras droit, Christophe Borgel. Le bout du tunnel après trois ans de galères électorales et parlementaires ? Le député de Paris, adepte de la méthode Coué : «C'est un vote de sortie de crise», veut-il croire. Peu importe si le camp d'en face pointe «l'ambiguïté» de sa motion, pour laquelle il a fallu user d'ingéniosité sémantique pour faire entrer à la fois la «nouvelle social-démocratie» de Martine Aubry, et les plus libéraux du parti, comme le maire de Lyon, Gérard Collomb. Pas de quoi impressionner l'ancien lieutenant de Dominique Strauss-Kahn, capable, en 2008 d'allier «carpe et lapin» pour constituer une majorité - avec l'aile gauche du parti - autour d'Aubry…
Architecte de la gauche plurielle dans les années Jospin, Cambadélis va devoir se coller au «rassemblement». Des socialistes d'abord, puis d'une gauche qui, malgré le petit coin de ciel bleu des prévisions économiques, reste fracturée. Cela commencera au congrès de Poitiers : son camp insiste sur sa «volonté» à faire entrer «tout le monde» - y compris Christian Paul et ses amis - dans la prochaine direction.
Artisan. Compte tenu de leurs demandes sur les questions économiques ou européennes, pas sûr que l'aile gauche accepte de parapher. Ensuite, le premier secrétaire veut être l'artisan d'une «belle alliance» qui ne compterait, selon lui, que des partis «à gauche». Et qui aurait pour but, en 2017, de renforcer la candidature de Hollande dès le premier tour de la présidentielle. Après des élections départementales où la gauche s'est présentée divisée, Cambadélis s'est par exemple prêté au rôle de «monsieur bons offices», jusqu'à se rendre - première pour un patron du PS depuis 2012 - au siège du PCF pour rencontrer son homologue Pierre Laurent. Réunification difficile : Cambadélis a déjà acté qu'il «n'arrivera[it] pas à faire liste commune pour les régionales» avec le PCF ou même les écologistes.
En attendant, Cambadélis cherchera à obtenir, jeudi, lors du vote pour la tête du parti, plus que les 72,5% d’Harlem Désir, qui l’a précédé rue de Solférino.