Un meeting au soleil. Dimanche, milieu d’après-midi, Nathalie Arthaud, leader de Lutte ouvrière (LO), arrive sur la grande scène, à l’occasion de la fête annuelle de l’organisation, à Presles (Val-d’Oise). Face à elle, des milliers de personnes. Ils sont installés, en silence, sur une grande pelouse au milieu des stands colorés. Un genre de kermesse géante : 25 000 personnes sont attendues sur les trois jours.
En introduction, la taulière de LO cause des «travailleurs», son combat. Avant de s'attaquer à François Hollande et au Parti socialiste. «Satisfait de son début de quinquennat, Hollande se prépare pour une nouvelle campagne présidentielle et il veut nous vendre son bilan. Pour les travailleurs, le bilan est tout fait : ces trois ans ont été trois années de hausse continue du chômage et du recul de la condition ouvrière», dit-elle d'un ton ferme. Applaudissements.
«Droitisation». Puis elle enchaîne : «Le gouvernement a une responsabilité écrasante dans la droitisation de la société, dans le retour des préjugés contre les étrangers, les pauvres, les prétendus assistés. Il est aussi responsable de la montée du FN. Pendant la présidentielle, Hollande jouera sur les sentiments et la peur du FN pour que tout le monde à gauche se range derrière lui, mais il ne faudra pas se faire piéger.» La foule en redemande et Nathalie Arthaud tape à l'extrême droite : «Marine Le Pen, cette bourgeoise de Saint-Cloud qui connaît parfaitement le monde des riches et qui se moque de la misère du monde.» Puis elle revient sur sa gauche pour égratigner les Verts, «source inépuisable de combinaisons politiciennes», et Jean-Luc Mélenchon qui «vient déclencher sa petite guerre personnelle contre l'Allemagne. C'est ce qu'on appelle faire du neuf avec du vieux». L'allocution touche à sa fin. Le public se lève, applaudit avant de lever le poing en l'air pour entonner, comme à chaque fois et en chœur, l'Internationale.
Après les mots, la foule se disperse. Le moment de boire un verre, manger une crêpe ou de rentrer à la maison. Thierry, la quarantaine, se balade en short entre les stands. Il participe tous les ans à la fête. Cette année, il a «embarqué dans sa caisse» sa femme et ses deux enfants pour se retrouver «avec des gens de gauche». Il s'explique : «Aujourd'hui, j'ai l'impression que tout le monde est de droite ou d'extrême droite, c'est compliqué à vivre. Donc venir ici pour entendre un vrai discours de gauche, contrairement à François Hollande, et croiser du monde qui mène le même combat que moi, ça fait du bien, ça permet de ne pas baisser les bras.» Sa femme, qui a voté François Hollande en 2012, intervient : «On sait très bien que madame Arthaud ne sera jamais présidente, mais elle est géniale car sa seule ambition, c'est de défendre le peuple, contrairement aux autres.»
Colère. Près du stand PSA, Jean-Michel, un retraité qui a bossé toute sa vie «à l'usine» pour gagner un «salaire de misère», sirote un verre de thé. Il vit en Seine-Saint-Denis depuis toujours. Jean-Michel est lui aussi en colère contre François Hollande. «Il a été élu grâce à nous et il nous a oubliés. Avec ma petite retraite, la vie est chaque jour un peu plus dure. On a l'impression d'être abandonné», dit-il d'une voix lente. Il ajoute avant de s'éclipser : «Le pire, c'est qu'en 2017, on sera peut-être obligé de voter une nouvelle fois pour lui pour faire barrage à Le Pen.»
Les minutes passent. Un groupe monte sur scène, les bières se vident, les gosses jouent, certains se perdent, les débats se multiplient sur chaque coin de pelouse et Nathalie Arthaud se mélange à la foule. Une fête de LO, tranquille. En milieu hostile.