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Libération
Décryptage

Les 5 chantiers de Jean-Christophe Cambadélis

Reconduit jeudi soir à la tête du PS par les adhérents socialistes, le premier secrétaire a du boulot s'il veut réconcilier son camp, rendre son parti plus sexy et faire rentrer son nom dans la tête de Sarkozy.
Jean-Christophe Cambadelis, dans son bureau, rue de Solferino, après les premiers résultats du vote des militants. (Photo Albert Facelly)
publié le 29 mai 2015 à 13h08

Sans surprise, Jean-Christophe Cambadélis a été reconduit jeudi soir au poste de premier secrétaire du Parti socialiste par les adhérents, avec près de 70% des voix. Le député de Paris doit désormais s'attaquer à cinq gros chantiers à deux ans de la présidentielle. Avec un seul objectif : faire réélire François Hollande.

Réconcilier les socialistes

Ç'aurait pu être pire. A la tête d'une formation politique en crise et fracturée, Cambadélis n'a pas eu à craindre, dans ce congrès, de l'opposition d'une aile gauche élargie à ces socialistes dits «frondeurs». Le résultat de 60% pour sa motion contre moins de 30% pour celle du député de la Nièvre, Christian Paul, lui permet déjà d'avoir un socle solide pour diriger Solférino. Réunir les amis de Martine Aubry et ceux de Manuel Valls sur une même orientation politique relevait déjà de la magie. A Poitiers (du 5 au 7 juin), le patron du PS a proposé d'ouvrir la direction aux autres motions : celles de la députée Karine Berger (9,5%), celle de Florence Augier (1,5%) mais aussi celle de Paul. Pas sûr que ces derniers acceptent sans qu'un texte de synthèse soit réécrit. Cambadélis se montre ferme dans une interview au Monde: «L'alliance des frondeurs et de la gauche du parti a voulu faire de ce congrès un moment de clarification politique. Elle est intervenue. Le PS à travers ce vote s'est entièrement converti à la culture de gouvernement.» Silence dans les rangs.

Rassembler la gauche

Là, y a encore plus de boulot… Même si la concurrence d'une «alternative» à leur gauche ne lui fait pas peur vu les scores encore bas aux dernières élections, les écologistes vont être difficiles à convaincre pour entrer au gouvernement. Les radicaux grognent à l'approche des constitutions de listes régionales et les communistes ne feront pas un pas vers eux tant que la politique du gouvernement ne changera pas. Pourtant, Cambadélis n'en démord pas : «Les résultats économiques que nous enregistrons amènent tout le monde à prendre en compte cette nouvelle donne», dit-il au Monde.

Le patron du PS veut ainsi œuvrer à la construction d'un «mouvement progressiste assez large». Début des travaux : «L'université d'été de La Rochelle en août». Cambadélis propose à ses «partenaires de la co-organiser» avant de «créer des collectifs départementaux pour poursuivre le débat». Une union du terrain compliquée à réaliser tant les militants des autres partis goûtent encore moins la politique du gouvernement que leurs cadres respectifs… «L'objectif est de dépasser le PS et les partis par un mouvement de la base pour faire une grande alliance populaire», insiste le numéro un socialiste. En bout de ligne, Cambadélis prévoit d'organiser, «en novembre 2016», «une convention de cette alliance populaire qui adoptera un schéma directeur, pour la prochaine présidentielle». Tous derrière Hollande.

Tenir parole sur sa motion

Promis juré, «tout ce qui est dans la motion doit être engagé.» C'est l'un des reproches de ses adversaires : comment Cambadélis fera-t-il appliquer des mesures signées par tous les socialistes du gouvernement mais avec lesquelles ils ont déjà pris leurs distances (réforme fiscale, extension du travail le dimanche, CV anonyme, redistribution du CIC, encadrement des loyers…) ? «Je n'ai pas l'habitude de me payer de mots et je fais ce que je dis, dans la confiance et le dialogue», insiste néanmoins Cambadélis. Lequel se montre optimiste sur les prochains débats budgétaires : «La réforme fiscale va commencer dès septembre, avec 9 millions de Français qui vont payer moins d'impôts, dit-il au Monde. Ensuite, on va travailler sur le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu. On nous dit que sur le papier c'est une très bonne chose, mais que cela se heurte à des difficultés techniques». En revanche, pas un mot sur la baisse de la CSG pour les plus modestes comme il est écrit dans sa motion. Peut-être parce que Bercy a déjà dit non.

Rendre le PS plus sexy et plus fort

Comment atteindre 500 000 militants socialistes lorsqu'il n'en reste plus que 131 000, dont à peine la moitié se rend en sections pour voter ? Sur ce point, Cambadélis n'a pas encore déroulé son plan d'action. Il se contente d'un constat : «Les partis républicains en France sont malheureusement des formations qui n'ont jamais réussi à être des partis de masse comme le Parti social-démocrate en Allemagne ou les travaillistes au Royaume-Uni, explique-t-il. Ils se gonflent à la veille de l'élection présidentielle et se dégonflent après, quel que soit le résultat.» Le patron du PS rêve ainsi de «dépasser» sa formation politique et de l'embarquer dès maintenant en direction de 2017. «A partir de début 2016, nous allons publier des "cahiers mensuels" de la présidentielle, propose-t-il. Une personnalité sera à chaque fois chargée d'une grande question et nous n'éviterons aucun thème, le terrorisme, l'islam et la République, la compétitivité, l'école, le logement… »

Et puisqu'elles ont été enterrées avec la préparation des régionales, on a peu de chances de voir le PS renouveler l'exercice des primaires qui lui avait pourtant permis de mettre François Hollande sur orbite en 2011. «Elle reste une possibilité, dit-il tout de même. Nous avons les mains libres, il y aura un conseil national à l'automne 2016 pour trancher cette décision.» Il ne dit pas s'il continuera d'imposer le huis clos pour ces réunions socialistes. Et ferme d'ailleurs tout de suite la porte à ce mode de désignation si Hollande est candidat : «Nous devons nous demander ce qui est le plus efficace pour notre candidat. Est-ce de passer ou non par une primaire si c'est le président de la République qui se présente, ce que j'appelle de mes vœux ?» La réponse est dans la question. C'est non.

Que Sarkozy se souvienne de son nom

C'est le petit sketch de l'ancien Président à chaque meeting UMP : «Un monsieur dont j'ai oublié le nom, qui est semble-t-il à la tête du Parti socialiste». La blague de Nicolas Sarkozy fait rire tout son monde à chaque fois… Cambadélis réclame un débat avec lui depuis son retour à la tête de l'UMP. En vain. Le patron du PS continue donc de le provoquer par médias interposés. «Monsieur Sarkozy est un homme politique qui a tendance à diviser la France et à verrouiller sa formation politique, balance-t-il dans Le Monde. Il ne rassemble pas […], Nicolas Sarkozy n'a pas changé, au contraire il s'est abîmé pour gagner la primaire à droite. C'est […] un candidat castagneur, sans colonne vertébrale. Nicolas Sarkozy ne sera alors que le champion du petit bain de la droite.» A force de taper, son adversaire se souviendra peut-être de son nom. Pas sûr qu'il aille jusqu'à le prononcer en public.