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Libération
Enquête

LR, un parti pour servir Nicolas Sarkozy

Alors que le congrès doit entériner le changement de nom de l’UMP et proclamer l’unité du parti, l’ex-président a déjà en tête la bataille de la primaire.
Les-Pavillons-sous-Bois, le 11 mai 2015. Réunion publique du président de l'UMP Nicolas Sarkozy (sur la photo).
publié le 29 mai 2015 à 21h16

Sans ostentation, car les temps sont difficiles, Nicolas Sarkozy invite ce samedi au nord de Paris, porte de la Villette, à la «refondation» de sa famille politique. Près de 20 000 militants sont attendus pour ce congrès qui doit placer la droite dans l'orbite de l'alternance. «Ce sera le moins cher de l'histoire des congrès politiques», confie Sarkozy, jamais en reste de superlatifs. Il est vrai qu'on sera très loin des gigantesques grands-messes d'antan. Près de 60 000 personnes assistaient, le 5 décembre 1976, à la création du RPR par Jacques Chirac. Ils étaient encore 40 000 au Bourget le 28 novembre 2004, pour le premier sacre de Sarkozy. Ce jour-là, il accédait à la présidence de l'UMP, la dernière marche avant le pouvoir suprême. Une décennie plus tard, voilà qu'il remonte la même marche, toujours avec l'Elysée en ligne de mire.

Clairement assumé en 2004, cet objectif ne l'est plus du tout en 2015. Sarkozy et ses lieutenants martèlent que l'heure est au «rassemblement» et au «collectif», sûrement pas aux ambitions présidentielles dont le temps viendra après l'été prochain, quand s'engagera la campagne pour l'élection primaire. Aux yeux d'une majorité d'électeurs de droite, Sarkozy n'a plus rien d'un candidat «naturel». Il n'est que l'un des candidats potentiel à cette primaire, comme Alain Juppé, François Fillon, Bruno Le Maire ou Nathalie Kosciusko-Morizet et Xavier Bertrand.

Famille. Nicolas Sarkozy ne saurait être un candidat parmi les candidats. Il sera le chef de famille, celui qui fait prospérer le parti et qui en sera un jour récompensé. N'en déplaise à tous ceux qui ont cru pouvoir contester ce choix, l'UMP deviendra ce week-end le parti Les Républicains (LR). Un parti ? Bien plus que cela. Décrédibilisés, les partis et leurs «vieux clivages» seraient, selon lui, totalement dépassés. Messie d'un nouvel âge de la vie politique, Sarkozy expliquait à la presse jeudi matin qu'il entendait mettre en marche une «force» pour «ramener» à la politique ceux qui s'en sont détournés. Une force grâce à laquelle «la République cessera de reculer». Les Républicains ? Selon le Figaro, l'inventeur de cette appellation, Pierre Giacometti, conseiller en communication favori de Sarkozy, se serait inspiré des mouvements d'initiative citoyenne de l'autre côté des Pyrénées. Les Espagnols ont fait un triomphe à Podemos («nous pouvons»), les Français feront de même avec Les Républicains…

Parmi les responsables de la droite, rares sont ceux qui prennent cette histoire au sérieux. Avec la meilleure volonté du monde, ils ne peuvent oublier les circonstances du retour de Sarkozy. Sans le scandale Bygmalion, son allié Jean-François Copé serait sans doute toujours le président de l’UMP et l’ex-chef de l’Etat préparerait son retour en homme providentiel, auréolé de sondages flatteurs, et il ne lui serait pas venu l’idée de refaire chef de parti. Même s’ils ne le disent pas crûment, les candidats à la primaire n’ont aucun doute sur le fait que l’UMP refondée a vocation à devenir une machine de guerre sarkozyste. Si, comme il l’espère, son parti atteint les 500 000 adhérents (contre 210 000 aujourd’hui), l’ancien chef de l’Etat n’aura plus grand-chose à craindre d’une compétition contre Juppé, Fillon ou Le Maire.

Sarkozy proteste de son désintéressement : «Je vais protéger les régionales des primaires après avoir protégé les départementales des primaires», a-t-il confié à des journalistes début mai. Son lieutenant Laurent Wauquiez serait presque menaçant contre ceux qui ne veulent pas «mettre de côté leurs egos». «Ce qui reste de l'année 2015 doit être consacré au projet et je ne veux plus entendre parler de primaire avant l'heure !» s'est-il exclamé, mercredi, devant l'association de la presse parlementaire. Pour que le Podemos de droite rêvé par Sarkozy tienne ses promesses, les sarkozystes veulent empêcher que le débat de fond se déroule hors de son sein, entre les think tanks des différents candidats. C'est pourtant bien ce qui s'annonce. «Chaque candidat défendra sa propre vision et sa méthode de gouvernement. La primaire est un grand rendez-vous démocratique : elle nous donnera l'occasion de trancher enfin des ques tions que nous avons mises sous le tapis depuis des années. Ne fuyons pas ce débat», a expliqué Bruno Le Maire, jeudi, dans le Monde.

Programme. Quel doit être le rôle du parti en ces temps de primaire ? Les architectes du parti LR ne semblent pas avoir intégré cette question dans leur logiciel, à l'inverse des équipes de François Fillon, Bruno Le Maire et Alain Juppé. Le jeune juppéiste Maël de Calan, élu UMP du Finistère et animateur du think tank La Boîte à idées, est de ceux qui ont poussé le plus loin la réflexion sur l'organisation de la primaire présidentielle et ses effets sur le fonctionnement du parti. En toute logique, il aurait été préférable, selon lui, que l'UMP tire les conséquences de cette innovation dans ses statuts en excluant que le président du parti puisse se déclarer candidat à la primaire, comme c'est le cas aux Etats-Unis. En tout cas, Maël de Calan soutient qu'il appartient aux candidats à la primaire de forger leur programme. Dès lors qu'elle aura intégré cette nouvelle réalité, l'UMP refondée pourra construire la «trame commune» qui servira de référentiel aux candidats. «On peut imaginer, par exemple, que le parti travaille sur trois ou quatre scénarios de sortie des 35 heures et sur quelques autres chantiers de réformes jugées prioritaires. Il ne s'agirait pas de bâtir le programme du parti mais un corpus de propositions.» Dans ces conditions, le juppéiste estime que les candidats à la primaire pourraient très bien participer à des conventions thématiques qui ne se concluraient pas nécessairement par l'expression d'une position du parti. Ce fut, selon lui, l'erreur du Parti socialiste en 2011 : «Le PS avait un programme très complet qui est entré en collision avec celui des candidats.»

En répétant avec insistance que «le temps de la primaire n'est pas venu», les sarkozystes inquiètent leurs adversaires. Car du seul point de vue matériel, la préparation de cette élection est un énorme chantier qui nécessite plus d'un an de travail. La réservation de 10 000 bureaux et la formation d'environ 50 000 assesseurs qui veilleront au bon déroulement des opérations de vote devraient donc, en principe, commencer rapidement. Nicolas Sarkozy pourra rassurer ses concurrents en mettant à l'ordre du jour du prochain bureau politique la création d'un «comité d'organisation de la primaire» qui se mettra sans tarder au travail.