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Régionales : Quêtes de centre

L’UDI, en négociation avec LR, affiche ses prétentions dans quatre des sept régions susceptibles de basculer à droite.
Nicolas Sarkozy et Jean-Christophe Lagarde, patron de l'UDI, le 26 mars,lors d'un meeting à Perpignan, avant le second tour des départementales. (Photo Georges Bartoli pour Libération)
publié le 8 juin 2015 à 20h16

L’approche des élections régionales aiguise l’appétit des centristes. L’UDI de Jean-Christophe Lagarde, député-maire de Drancy (Seine-Saint-Denis), réclame la tête de listes dans trois des nouvelles grandes régions (Normandie réunifiée, Bourgogne - Franche-Comté et Centre) sur les sept susceptibles de basculer à droite en décembre. Ils veulent également un nombre de conseillers régionaux proportionnel à leur poids politique dans chacune de ces collectivités territoriales. Un menu qui passe mal auprès des dirigeants de l’UMP rebaptisée «Les Républicains». Pour eux, leurs supplétifs du centre droit ont les yeux plus grands que le ventre. Avec, en plus, une arête qui leur reste en travers de la gorge. Et pas des plus petites. Celle de la candidature de la sénatrice parisienne et conseillère régionale d’Ile-de-France Chantal Jouanno. Cette centriste de fraîche date, élue à la Haute Assemblée sous l’étiquette UMP, entend bien mener une candidature indépendante face à Valérie Pécresse, la championne de la formation menée par Nicolas Sarkozy.

Le 20 mai, lors d’un déjeuner en tête-à-tête, l’ancien président de la République a répliqué fermement aux revendications du patron de l’UDI, Jean-Christophe Lagarde, pour lui proposer un nouveau deal. Le patron du parti «Les Républicains» est prêt à toper avec les centristes à condition que les deux formations fassent liste commune dès le premier tour en Ile-de-France. Sans cela, pas d’accord global et chacun ira sous ses propres couleurs. Avec le risque d’éparpiller les voix de la droite et de passer d’un poil à côté de la victoire.

De son côté, Jean-Christophe Lagarde ne veut rien céder et passe désormais ouvertement aux menaces. «Dans les dix jours qui viennent, si nous n'avons pas trouvé de solution, nous n'aurons pas de liste commune», avec Les Républicains, car «à un moment donné, nous ne pourrons plus fusionner les listes», a déclaré le patron de l'UDI dans un entretien accordé au JDD. Pour lui, la nouvelle formation conduite par Nicolas Sarkozy a «encore trop le prisme de ce qu'était l'UMP : la volonté d'être un parti unique. Soit l'objectif est de gagner, soit il est d'écraser ses partenaires et alors chacun devra défendre son identité». Revue de détails des régions enjeux d'un possible accord mais aussi de discordes entre l'UDI et l'ex-UMP.

Jouanno en balance en Ile-de-France

La détermination de la centriste Chantal Jouanno à conduire une liste indépendante en concurrence avec celle portée par Valérie Pécresse marque un peu le pas. Pour deux raisons. L'entrée en lice du président de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone a, selon les propres termes de la candidate centriste, «changé la donne».

Face au candidat de gauche, susceptible de parvenir à faire l'union, y compris avec les écologistes, dès le premier tour, la droite prendrait un gros risque en partant divisée à cette élection. L'argument avancé jusque-là par l'UDI, à savoir que la présence de deux listes au premier tour permettait de ratisser plus large et d'obtenir un score plus important que si elles partaient unies, a, selon certains sondages, du plomb dans l'aile. De plus, au sein même de sa formation, certains ne voient pas d'un très bon œil cette candidature indépendante face à Valérie Pécresse. «Dès le départ, il était évident que Chantal Jouanno n'irait pas jusqu'au bout. L'indépendance face à l'ex-UMP proclamée par Jean-Christophe Lagarde tout au long de sa campagne pour la présidence de l'UDI a ses limites. Comme au karaté, Chantal Jouanno a fait son kata pour impressionner le parti Les Républicains, mais cela n'ira pas plus loin», ironise un des dirigeants de l'UDI. Difficile également d'imaginer que la candidate UDI puisse continuer à jouer sa partition en solo alors que Yann Wehrling, le candidat du Modem de François Bayrou, n'est pas, loin de là, hostile à un rapprochement avec Valérie Pécresse dès le premier tour. «Il y a entre elle et nous de grandes convergences sur les propositions concernant le développement économique de la région ou encore en matière de transports ou d'écologie», explique Yann Wehrling. En cas d'accord entre le Modem et Valérie Pécresse, le comble serait que Chantal Jouanno s'en tienne à l'écart. «Je sais que je suis dans la balance», reconnaît la sénatrice UDI.

Son sort pourrait être rapidement scellé au profit d'un accord national incluant la Bourgogne (lire ci-contre). Elle réaffirme sa volonté de mener «une liste indépendante du parti Les Républicains. Mais je suis aussi clairvoyante. Je sais que tout cela ne dépend pas que de moi».

Chantal Jouanno se présentera dans les Hauts-de-Seine lors des prochaines régionales. Avec l’intention d’y briguer son prochain fauteuil de sénatrice. Pas sûr qu’elle soit accueillie à bras ouverts par les deux papys flingueurs centristes du département, le sénateur maire de Meudon, Hervé Marseille, et André Santini, député maire d’Issy-les-Moulineaux.

En Bourgogne-Franche-Comté, Sauvadet tout prêt

François Sauvadet, président du conseil général de Côte-d’Or, ambitionne de longue date de ravir la présidence de la nouvelle région Bourgogne - Franche-Comté au socialiste François Patriat, président sortant du conseil régional de Bourgogne. Mais à droite, un autre candidat lui dispute l’investiture : Alain Joyandet, sénateur Les Républicains (LR) de Haute-Saône et ancien secrétaire d’Etat chargé de la Coopération de Nicolas Sarkozy.

«François Sauvadet est objectivement le mieux placé pour prendre cette région à la gauche»,

argue-t-on à l’UDI.

«La candidature d’Alain Joyandet divise au sein même de sa propre famille politique»,

souligne François Sauvadet en brandissant un appel à l’union signé par des personnalités locales, dont un jeune député européen venu des rangs de l’ex-UMP, Arnaud Danjean.

«Je ne peux pas croire un seul instant que Nicolas Sarkozy prendrait le risque d’investir Alain Joyandet en Bourgogne»,

déclare le centriste, ancien ministre de la Fonction publique dans le gouvernement Fillon. Alain Joyandet a lancé sa campagne en décembre sans avoir reçu aucune consigne de modération de l’état-major de son parti.

«Au contraire, Nicolas Sarkozy lui a dit d’y aller à fond»,

assure un de ses soutiens bourguignons.

«De toute façon, la Bourgogne n’est pas une terre centriste mais vraiment UMP»,

tranche Alain Joyandet. François Sauvadet ne manque pas l’occasion de rappeler que lors des dernières départementales, Alain Joyandet

«n’a rien gagné».

«Et lui, quelles sont ses conquêtes politiques sur la gauche ? Dans toute sa carrière politique ? Rien !»

réplique sèchement le sénateur LR. Pour le moment, Nicolas Sarkozy se refuse à trancher en faveur de l’un ou de l’autre tant que la question francilienne restera ouverte.

L'Auvergne-Rhône-Alpes, chasse gardée par Reynier

C’est la région où les positions semblent les plus inconciliables entre l’UDI et le nouveau parti Les Républicains (LR) qui a supplanté l’UMP. Pas question pour Jean-Christophe Lagarde que ses troupes se rangent derrière la bannière de Laurent Wauquiez, chef de file désigné par le parti de Nicolas Sarkozy. Pour les centristes, ce dernier a fait montre de positions beaucoup trop droitières. Un véritable repoussoir avec ses déclarations très stigmatisantes à l’encontre des allocataires du RSA, symboles de la

«dérive de l’assistanat»

devenu

«le cancer de la société française»

. Au congrès fondateur du parti Les Républicains de la Villette, il s’était aussi fait applaudir avec un discours très musclé sur l’immigration que ne renierait pas Marine Le Pen.

Pour contrer les ambitions de Laurent Wauquiez, l’UDI a désigné le député-maire de Montélimar, Franck Reynier, comme chef de file pour porter ses couleurs dans cette nouvelle très grande région qui va de Grenoble à Clermont-Ferrand en regroupant Rhône-Alpes et Auvergne. Franck Reynier, qui s’est fait un peu forcer la main, s’est empressé de prendre langue avec son homologue du Modem, Patrick Mignola, et ont arrêté ensemble le principe d’une liste commune. Avec une porte ouverte pour une union avec le parti Les Républicains ou sinon de partir de leur côté à ce scrutin.

«C'est quand même la région de Raymond Barre et de Valéry Giscard d'Estaing», précise l'entourage de Jean-Christophe Lagarde, bien décidé à défendre ce symbole. Par ailleurs, le patron de l'UDI a entamé des discussions avec Laurent Wauquiez pour tenter de définir les grandes lignes d'un programme commun. Mais sans grand succès pour le moment.

Vigier en patron dans le Centre-Val-de-Loire

Pas de maquignonnage en Normandie : entre bocages et plages, Hervé Morin fait l’unanimité sous les pommiers d’une Normandie réunifiée entre ses parties haute et basse. Un combat que l’ancien ministre de la Défense de Nicolas Sarkozy mène depuis des années. De fait, son investiture comme future tête de liste pour les régionales n’a posé aucun problème au parti Les Républicains et à son représentant le plus important dans la région, Bruno Le Maire, ancien candidat à la présidence de l’UMP et député de l’Eure.

En région Centre en revanche, Guillaume Peltier, leader du courant de la droite forte au sein de l'ancienne UMP, et Philippe Vigier, patron du groupe UDI à l'Assemblée nationale, ne sont d'accord que sur une chose : la prochaine dénomination de cette nouvelle grande région, rebaptisée Centre - Val-de-Loire. Histoire d'attirer les touristes férus des châteaux posés au bord de ce fleuve. Pour le reste, tout oppose les deux hommes qui lorgnent la région. «La région Centre est vraiment une terre de modération. Les personnalités du centre y sont très bien implantées», commente un cadre de l'UDI, pour qui Vigier part favori face à Peltier. A commencer par la sénatrice Modem Jacqueline Gourault, fidèle d'entre les fidèles de François Bayrou et de Marc Fesneau, secrétaire général du Modem et maire d'une petite commune rurale de la région. Ce dernier et Philippe Vigier se disent prêts à partir ensemble pour ravir cette région au socialiste François Bonneau, candidat à sa réélection. Philippe Vigier a plus d'atouts dans sa manche pour conduire une liste d'union dans une région ou les personnalités politiques locales jugent la personnalité de Guillaume Peltier «beaucoup trop clivante, trop imprégnée de l'esprit Buisson».