Le problème, avec une république exemplaire, c’est qu’elle ne souffre d’aucune exception. Il ne peut pas y avoir de république un peu exemplaire ou exemplaire de temps en temps. En matière de morale, privée comme publique, il n’existe pas de compromis. On est ou on n’est pas. Et le moindre faux pas, même une petite anicroche, vous fait perdre votre label «exemplarité». Aujourd’hui, pour l’opinion publique, cette exigence d’une république irréprochable, portée par François Hollande pendant toute la campagne présidentielle, est probablement à ranger dans le tiroir des engagements qui n’ont pas été tenus. Ou si peu. C’est peut-être injuste. C’était surtout perdu d’avance.
Étoile
Pourtant, François Hollande n'était pas loin d'être le candidat idéal pour cette mission impossible. D'abord parce que le quinquennat de Nicolas Sarkozy avait été un chef-d'œuvre de confusion des genres, entre vie privée, intérêts publics et affairismes de toutes sortes. Sans compter l'indépendance de la justice particulièrement mise à mal. Faire mieux que le quinquennat de Sarkozy était donc à la portée de n'importe qui. Sur le papier, François Hollande avait aussi à son crédit quelques qualités. Il n'a jamais été très intéressé par les questions matérielles en général et d'argent en particulier. Ni très attaché aux signes extérieurs de pouvoir. Ni impliqué dans des réseaux politico-financiers qui vous obligent, une fois au pouvoir, à verser dans des compromissions ou des conflits d'intérêts. Hollande n'a jamais franchement goûté aux délices des cabinets noirs ou des réseaux divers dont la Ve République est pourtant si friande. Mais cette bonne étoile ne suffira pas. Et les premiers symboles du début du quinquennat ont vite été ensevelis par les fracas de l'exercice du pouvoir.
A peine élu, le nouveau chef d'Etat commence par soigner les symboles. Grands comme tout petits. Sarkozy aimait l'argent et le bling-bling du pouvoir. Hollande décide donc de baisser son salaire de 30%, choisit une voiture de fonction à la corpulence modeste, délaisse le Falcon pour son premier sommet européen à Bruxelles. Et part en vacances en TGV au fort de Brégançon. Un président normal, pour une république exemplaire. Ce bel édifice va très vite prendre l'eau. D'abord, la vie privée de François Hollande a eu un effet dévastateur. Il y a eu le tweet de Valérie Trierweiler. Puis la photo volée en amant casqué rue du Prince. Et puis la rupture, le livre, les accusations sur les «sans-dents». «Ce que les Français reprochent à Hollande, c'est moins d'avoir eu une maîtresse que sa façon de gérer ces affaires en grand amateur», tempère un poids lourd de la communication politique.
La république exemplaire était bien entamée, elle va imploser avec l’affaire Cahuzac et son compte caché en Suisse. La droite a longtemps accusé (sans preuve) François Hollande d’avoir cherché à protéger son ministre du Budget. Le chef de l’Etat, lui, s’est défendu en revendiquant une stricte séparation des pouvoirs et une totale indépendance de la justice. Cela ne suffira pas. Et ce n’est pas le vote de l’arsenal juridique pour une plus grande transparence du patrimoine des élus qui le sauvera. Car le film va continuer, sur un autre registre, plus boulevardier, avec les chaussures cirées à l’Elysée de son conseiller politique (Aquilino Morelle) et les déclarations d’impôts oubliées de son ministre du Commerce extérieur (Thomas Thévenoud).
Défiance
Il va sans dire que Hollande n'avait pas franchement besoin de l'escapade footballistique de son Premier ministre aux frais du contribuable pour améliorer ce triste bilan. L'entourage du chef de l'Etat peut toujours plaider que dans toutes ces embardées, ce n'est pas la moralité de Hollande qui a été directement mise en cause. Certes. Mais cela ne le sauvera pas de cette vague de défiance vis-à-vis des élites et de la classe politique en général. Un sondeur nous faisait récemment cette remarque : «Les Français ont totalement oublié une mesure aussi symbolique que la baisse du salaire du président.» Comme si cette velléité de république exemplaire n'avait jamais existé.