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Libération

Présidentielle : l’atout Valls

A vingt-deux mois de l’élection présidentielle se dessine une compétition inédite entre les différents candidats en lice.
publié le 10 juin 2015 à 20h36

La campagne présidentielle de 2017 ne ressemblera à aucune autre. Pour la première fois, un ancien président de la République, Nicolas Sarkozy, compte bien être de nouveau en lice avec des chances sérieuses de l’emporter, le rêve inassouvi de Valéry Giscard d’Estaing. Pour la première fois également, le président sortant, François Hollande, n’aborde pas le long marathon électoral en position de favori. Pour la première fois enfin, la candidate de l’extrême droite, Marine Le Pen, apparaît bien placée à vingt-deux mois du scrutin, pour se qualifier pour le duel final. Rien, durant cette longue période, n’échappera à l’évolution de la situation économique et sociale. Les caractéristiques spécifiquement politiques pèseront cependant fortement, et elles aussi innoveront, puisque l’on verra s’affronter des candidats disposants d’un appareil partisan mais faibles dans l’opinion (Nicolas Sarkozy, François Hollande, voire Pierre Laurent ou Cécile Duflot), des candidats sans appareil mais forts dans l’opinion (Alain Juppé, François Bayrou, Jean-Luc Mélenchon) et une seule candidate cumulant appareil partisan et force dans l’opinion, Marine Le Pen.

Dans cette compétition atypique, un facteur nouveau supplémentaire se dessine déjà : les quatre candidats potentiels, a priori les mieux placés (François Hollande, Alain Juppé, Marine Le Pen, Nicolas Sarkozy) auront tous grand besoin d’un second ostensiblement complémentaire. Non pas pour former un tandem, l’expérience malheureuse de Gaston Defferre et Pierre Mendès France en 1969 a démontré que les Français voulaient choisir une personnalité et non pas un binôme, mais comme symbole médiatique et orateur de choc au service du candidat, pour incarner les qualités ou les profils manquant au champion investi. C’est ce que furent Michel Poniatowski à Valéry Giscard d’Estaing en 1974 ou Michel Rocard à François Mitterrand en 1988, le premier incarnant le combattant de choc à côté du patricien séducteur, le second, la modernité et le renouvellement aux côtés de l’homme d’Etat couturé de cicatrices. Ce furent aussi des rôles assignés à Alain Juppé ou Philippe Seguin au service de Jacques Chirac, à Nicolas Sarkozy au service d’Edouard Balladur, des seconds qui manquèrent cruellement à Jacques Chaban-Delmas, Raymond Barre ou Lionel Jospin. Cette fois, rien de tel : on discerne déjà qui seront les nécessaires seconds des quatre favoris en titres.

Pour Marine Le Pen, c’est l’évidence. Florian Philippot, vice-président du Front national, d’ores et déjà son bras droit, est promis pour le rôle. Il possède un solide bagage économique, et il s’est imposé à la télévision. Marine Le Pen n’a aucune culture de gouvernement. C’est une redoutable oratrice populaire et une «débatteuse» (terme autorisé par le Robert) d’extrême droite hors de pair. Ces deux-là se complètent à merveille. Elle a le talent, il a les connaissances. En ce qui concerne Alain Juppé et Nicolas Sarkozy, le problème est le même, la solution est identique. L’ancien Premier ministre et l’ancien chef de l’Etat ont l’un et l’autre l’envergure de leur ambition et une forte personnalité, avec plus de réflexion chez le maire de Bordeaux et plus de charisme chez l’ex-président. Ils ont besoin tous les deux d’afficher leur conscience de la nécessité d’un renouvellement. Pour l’incarner, ils ont d’ores et déjà leur homme : il s’appelle Bruno Le Maire, avance à grands pas, très à droite mais avec plus de distinction que Laurent Wauquiez, plus d’assise que Nathalie Kosciusko-Morizet et moins de démagogie que Xavier Bertrand.

Quant à François Hollande, l’histoire est écrite. Dans la campagne, son bras droit, son second s’appellera évidemment Manuel Valls. Il excelle dans ces circonstances, il l’a démontré en 2012. Etant déjà Premier ministre, il aura toute légitimité pour intervenir, et ne fera pas figure de futur chef de gouvernement obligé. Il sera un renfort, pas un duettiste. Il est populaire, nettement plus que François Hollande pour l’instant et, ce qui est précieux, au-delà de la gauche. Il peut aider le président de la République à mordre sur l’électorat centriste et même de droite modérée si Nicolas Sarkozy représente les Républicains. Le chef de l’Etat tentera de rassembler pour le premier tour le plus possible d’électeurs de gauche, Manuel Valls essaiera de faire l’appoint. François Hollande est un stratège trop habile, Manuel Valls un battant trop carré. L’un apaise, l’autre porte le fer ; l’un négocie, l’autre réplique. François Hollande tisse sa toile, Manuel Valls déchire celle des autres. L’un est prudent et déterminé, l’autre intrépide voire imprudent ou maladroit (l’avion Poitiers-Berlin). François Hollande affiche une impassibilité et une ténacité mitterrandienne, l’autre une pugnacité et une hardiesse clemenciste. Leurs défauts s’équilibrent, leurs qualités se complètent, Manuel Valls est l’atout nécessaire.