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Il faut réformer le Parlement, pas le zapper

Manuel Valls après son discours à l'Assemblée, mardi. (Photo Marc Chaumeil)
publié le 17 juin 2015 à 19h36

Aller plus vite, plus haut, plus fort, parce que la situation du pays l'exige. C'est à ce titre que Manuel Valls justifie l'usage de l'article 49.3 — qui prive l'Assemblée de vote — lors des deux passages de la loi Macron au Palais-Bourbon. «La réforme, on ne la joue pas aux dés», avait abondé le ministre de l'Economie lors du premier round, en février. Quant à François Hollande, garant ès qualités des institutions, il a plusieurs fois regretté publiquement le rythme selon lui trop lent des députés et sénateurs au regard des urgences du moment.

A écouter le couple exécutif, le Parlement serait donc un obstacle au rythme qu’il souhaite donner à son train de réformes - la représentation nationale apparaissant dans ce discours comme un frein majeur à la grande remise en avant de la France. C’est donc au nom de l’intérêt général qu’il conviendrait de contourner l’Assemblée. Avec le sous-entendu : «moins de contre-pouvoir pour plus d’efficacité». Ce discours sert surtout à masquer l’incapacité de l’exécutif à rassembler une majorité de députés de gauche sur un texte fourre-tout et bien loin des engagements de campagne du candidat Hollande. Et sur lequel le Premier ministre, sans qu’il en soit le seul responsable, n’a pas réussi à rallier le vote de centristes ou d’élus de droite y étant ouvertement favorables.

En faisant fi de l’Assemblée sur un texte qui a tant occupé le débat public, le chef de l’Etat démontre à la fois la fragilité de sa majorité parlementaire et le peu de cas qu’il fait d’une chambre dont il a longtemps occupé les bancs. De quoi alimenter encore un peu plus le malaise du Parlement et l’antiparlementarisme primaire à la mode.

Oui, l’obstruction et la cacophonie de débats à rallonge sont des réalités qui ne font pas honneur à nos élus. Mais s’asseoir sur le Parlement à coups de 49.3 comporte un risque démocratique notable. A fortiori quand la politique menée est impopulaire et que le Premier ministre qui la conduit - si populaire soit-il lui-même - a tendance à braquer la majorité qui a porté Hollande en 2012 à l’Elysée. Et d’autant plus quand la tentation d’une démocratie directe à coups de référendums inflammables (sur l’immigration, l’indemnisation du chômage ou l’Europe) existe à l’extrême droite et désormais dans le discours sarkozyste. Comme une tentation populiste de jouer l’opinion contre leurs élus.

Si le Parlement est un frein, plutôt que de le zapper et donc de le saper, faute de majorité, il conviendrait plutôt de le réformer. La fin concrète du cumul des mandats, effective en 2017, a constitué un premier pas important. L’introduction d’une dose de proportionnelle, qui préserverait la logique majoritaire tout en oxygénant une Assemblée de moins en moins représentative, reste une nécessité. Quitte à convoquer le Congrès à Versailles, sur la seule question des langues régionales, François Hollande devrait en profiter pour mettre les parlementaires devant leurs responsabilités et prendre l’opinion à témoin sur une grande réforme constitutionnelle. Un échec ne serait pas le sien mais celui des députés et sénateurs.