Cela ne sera «pas un bouleversement des équilibres» au sein du gouvernement, avait promis mardi soir Manuel Valls à quelques heures du mini-remaniement. Et c'est peu dire que la promesse a été tenue mercredi. Non seulement François Hollande et son Premier ministre ne «bouleversent pas les équilibres» socialistes mais ils bétonnent l'équipe gouvernementale en faisant rentrer deux nouvelles têtes, des pures légitimistes, proches du chef de l'Etat et compatibles avec le Premier ministre. Pour l'élargissement à gauche, il faudra attendre (ou pas) le lendemain des élections régionales, mi-décembre, alors que les noms de certaines parlementaires proches de Martine Aubry ou plutôt frondeuses avaient été avancés ces derniers jours. Thierry Mandon, lui, monte en grade pour remplacer Geneviève Fioraso à l'Enseignement supérieur et Laurence Rossignol, déjà chargée de la Famille, des Personnes âgées et de l'Autonomie, voit son portefeuille s'élargir à l'Enfance — poste oublié jusqu'alors dans le gouvernement. «C'est la prime aux gens qui bossent, se félicite un dirigeant hollandais. Vu le boulot, on ne pouvait pas se permettre de faire un casting politique pour plaire à tout le monde.» A mini-remaniement, mini-galerie de portraits.
Martine Pinville
Une hollandaise en remplace une autre : nommée au Commerce, à l'Artisanat, à la Consommation et à l'Economie sociale et solidaire (ouf !), Martine Pinville prend donc la suite de Carole Delga, partie mener campagne aux régionales dans la super région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées. Elle fait partie de la petite dizaine de députés qui ont toujours cru à Hollande. «On était peu après le congrès de Reims, elle a tout suivi, la traversée du désert, le rassemblement de Lorient, la primaire…», raconte un proche. Militante en Charente depuis 1983, cette fonctionnaire des impôts, engagée dans l'associatif, s'est tout de même permis un écart : en 2007, elle n'accepte pas le parachutage de Malek Boutih à Angoulême. Elle se présente tout de même aux législatives, est élue, avant de passer deux années de purgatoire hors du groupe PS et d'être… réintégrée. Depuis 2012, elle a été chargée par Stéphane Le Foll d'entretenir le courant des hollandais historiques — Répondre à gauche — avec Gwendal Rouillard et Laurent Grandguillaume. A l'Assemblée, elle s'est spécialisée dans les questions de sécurité sociale et au PS, elle était secrétaire nationale aux questions de santé. Mais peu importe, «ce qui compte c'est que ce soit quelqu'un de sérieux», élude un dirigeant hollandais.
Clotilde Valter
Une ultra-fidèle. De François Hollande mais aussi de Manuel Valls. C'est rare. Jospiniste historique, Clotilde Valter, 52 ans, remplace Thierry Mandon au secrétariat d'Etat à la Réforme de l'Etat et à la Simplification et retrouvera un Premier ministre — auprès de qui elle est nommée — qu'elle a côtoyé à Matignon lorsqu'elle était conseillère technique de Lionel Jospin en 1997. D'ailleurs, s'il y avait eu un poste lié au ministère de l'Intérieur, cette énarque spécialisée dans les questions de sécurité aurait eu le profil type. A l'Assemblée nationale, la députée de la 3e circonscription du Calvados depuis 2012 siège d'ailleurs constamment aux côtés d'un autre ministre de l'Intérieur — un autre jospiniste historique —, Daniel Vaillant. Comme pour Martine Pinville à Bercy, la nomination de celle qu'Yvette Roudy avait fait venir à Lisieux est un signe envoyé à la famille socialiste : on promeut les bons soldats. Elle a été par exemple l'une des rapporteures thématiques du projet de loi Macron, saluée à ce titre mardi par Manuel Valls dans l'hémicycle.
Thierry Mandon
Qui, au sein du gouvernement, réussissait jusqu'à il y a peu à être proche de François Hollande, de Manuel Valls et de Arnaud Montebourg ? Réponse : Thierry Mandon. Député de l'Essonne, ce spécialiste des questions d'industrie et d'innovation passe de la Simplification de l'Etat au poste vacant depuis quatre mois de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. Une jolie promotion pour celui qui a bataillé pour créer le Génopole à Evry, dédié aux biothérapies, et qui voulait faire de l'université d'Evry la première de France. Son nom circulait depuis quelques semaines pour remplacer Geneviève Fioraso, démissionnaire pour raisons de santé. Testé par l'exécutif, il avait fait savoir que ce n'était pas la peine d'y penser si c'était pour couper les budgets… L'avenir dira s'il a obtenu les moyens réclamés. Au sein du PS, il a bossé avec Martine Aubry — leur brouille fait partie des légendes socialistes — et a participé à la création du Nouveau Parti socialiste avec Vincent Peillon, Benoît Hamon et Arnaud Montebourg, dont il a pris ses distances récemment. Social-démocrate décomplexé, ancien porte-parole didactique des députés socialistes — il fut le benjamin de l'Assemblée en 1988 —, Thierry Mandon est un des rares ministres à avoir fait carrière dans le privé en parallèle, conseillant notamment les salariés de Darty quand ils sont devenus actionnaires majoritaires de leur entreprise. Fana des Etats-Unis, où il avait ouvert une sorte de bureau d'études avant d'entrer au gouvernement histoire de surveiller tout ce qui se faisait en matière d'innovation, il est aussi adepte de ski de fond, qu'il pratique dans le Vercors, son port d'attache personnel. C'est là, dit-il, qu'il «s'aère le globule».