Généralement jovial et conciliant, Jean-Pierre Raffarin souffre, pas toujours en silence, d'une allergie chronique aux dérives droitières de sa famille politique. Les premières initiatives de l'UMP «refondée» par Nicolas Sarkozy - Les Républicains (LR) - ne sont pas faites pour le rassurer. Avec un premier débat sur l'islam et un autre, à venir, sur le droit du sol, le décor est solidement planté. Les électeurs sensibles aux discours sur les périls migratoires et communautaristes sont priés de bien noter que le président de LR ne veut pas de menus de substitution sans porc dans les cantines scolaires. Brice Hortefeux, son plus fidèle lieutenant, résume la doctrine du parti dans le Monde, ce jeudi : «Ne cédons pas un pouce de terrain au FN sur la lutte contre la délinquance et l'immigration clandestine.» Pour l'humaniste Raffarin, cela commence à faire beaucoup. Au point qu'il a décidé de mettre franchement les pieds dans le plat. Tout en se défendant de «nier les problèmes posés dans certains quartiers», il a dégainé mercredi sur Public Sénat une proposition iconoclaste dans son camp : intégrer des familles immigrées dans les zones rurales et «sauver» ainsi des territoires en voie de désertification. «Très souvent, on ferme des écoles. On pourrait très bien en sauver un grand nombre en faisant en sorte qu'une, deux ou trois familles puissent venir dans un certain nombre de villages», a ajouté le sénateur. Naturellement, ces propos ont libéré, sur les réseaux sociaux, une logorrhée scandalisée des responsables du FN et, au-delà, de la fachosphère criant au «repeuplement islamique de nos campagnes». Chez Les Républicains, la réprobation est plus discrète, mais pas moins véhémente. En confidence, certains cadres du parti se demandent «à quoi joue» l'ancien Premier ministre. Les moins sévères veulent croire à un moment d'égarement, comme s'il fallait être tombé sur la tête pour parier sur la raison et non sur les peurs. Il est vrai que Raffarin est gravement atteint : n'a-t-il pas affiché sa proximité avec Alain Juppé, l'homme qui ose plaider pour une «identité heureuse», respectueuse d'une diversité qualifiée d'«enrichissante» ?