Depuis Casablanca où il s'exprimait lundi devant quelques sympathisants de son parti Les Républicains (LR), Nicolas Sarkozy a fait savoir qu'il n'avait «pas de leçons» à recevoir. Surtout pas du président Hollande qu'il désigne invariablement comme un expert en «médiocrité». Non, sa métaphore de la fuite d'eau n'avait rien de «xénophobe». Concernant les migrants qui affluent sur les côtes grecques et italiennes, il n'a fait que critiquer la proposition européenne de répartition par quotas. Pourquoi ? Parce que contrairement aux socialistes dont il se demande «dans quel monde ils vivent», Sarkozy, lui, «entend le peuple». Et que dit «le peuple» ? Sans doute, comme le député LR Eric Ciotti, qu'il faut bloquer les flux de migrants en organisant un blocus militaire des côtes africaines. Et aussi en finir avec le droit du sol, même si ceci n'a aucun rapport avec cela.
Sans vouloir donner de leçon, on suggère aux «Républicains» d’écouter aussi ce qui se dit outre-Rhin, du côté des plus hautes autorités, qui ne considèrent pas, elles, que leur rôle se limite à entendre le peuple. Cela vaut aussi pour l’Union chrétienne-démocrate (CDU) d’Angela Merkel, parti frère de l’ex-UMP qui n’a jamais cru devoir changer de nom en 70 ans d’existence. Avec un taux de chômage moitié moins élevé qu’en France et une démographie déclinante, la question migratoire se pose certes en des termes très différents vu de Berlin. Mais, en Allemagne comme en France, des voix réclament la fermeture des frontières, dénoncent l’invasion et peut-être même l’inondation… La différence, c’est que d’autres voix se font entendre avec une force et une autorité inconnue de ce côté du Rhin.
Vendredi dernier, les cloches des églises allemandes sonnaient en hommage aux 23 000 personnes mortes en mer depuis l'an 2000. Une initiative de l'archevêque de Cologne, Rainer Maria Woelki, celui-là même qui avait fait éteindre les illuminations de la cathédrale au passage d'une manifestation islamophobe. Ce week-end, c'était le président de la République fédérale, Joachim Gauck, qui rappelait à ses concitoyens qu'à défaut d'être historiquement une terre d'immigration, l'Allemagne contemporaine avait une énorme et douloureuse expérience en matière d'exil de masse. Entre 1945 et 1950, la RFA naissante avait accueilli plus de dix millions de réfugiés, chassés des territoires de l'Est. Ce fut le fondement de la prospérité. Et Gauck se demande pourquoi l'Allemagne ne serait pas capable «d'envisager comme une chance» le nouveau défit migratoire.
Dans le quotidien die Welt, trois députés de la CDU/CSU signaient la semaine dernière une tribune pour développer la même idée, en prônant une politique plus généreuse sur les titres de séjour.
En France, le fondateur du Samu social, Xavier Emmanuelli, ex-ministre de Jacques Chirac, paraît bien seul à dire que «les murs ne servent à rien» et qu'il faut, de toute urgence, «inventer quelque chose de nouveau». Pour mémoire : la France a reçu en 2014 60 000 demandeurs d'asile quand l'Allemagne en accueillait 200 000. Près d'un demi-million de réfugiés sont attendus en 2015 outre-Rhin.