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Récit

Education : le rapport sénatorial sur la perte des repères républicains fleure bon la naphtaline

Initiées par l'UMP après les réactions «anti-Charlie» dans les écoles, les propositions de la commission d'enquête prévoient, outre le retour de l'uniforme, de «sacraliser les lieux d'éducation».
(Photo Joël Saget. AFP)
publié le 8 juillet 2015 à 17h57

Comme toujours, c'est un nom à rallonge : la commission d'enquête sur le fonctionnement du service public de l'éducation, sur la perte de repères républicains que révèle la vie dans les établissements scolaires et sur les difficultés rencontrées par les enseignants dans l'exercice de leur profession a présenté ses 20 propositions ce mercredi. Créée à l'initiative de sénateurs Les Républicains (ex-UMP) après les attentats de janvier, elle avait pour objectif de faire la lumière sur une «sous-estimation» des incidents relatifs à la minute de silence.

Son diagnostic, après plusieurs mois d'enquête : un profond malaise à l'école, en perte de repères républicains et, chez beaucoup d'élèves, «un inquiétant délitement du sentiment d'appartenance à la nation». Le rapport, qui a suscité de vives discussions au sein du Sénat lui-même, a failli ne pas être publié, les sénateurs de gauche ayant voté contre sa publication.

«Port d'une tenue d'établissement»

Parmi les propositions qui ne manqueront pas d'alimenter la polémique, l'introduction du «port d'une tenue d'établissement» – une «façon de ne pas utiliser le mot "uniforme" pour ne pas faire référence à une période révolue», explique le rapporteur de la commission, Jacques Grosperrin –, ou encore l'interdiction des tablettes au primaire et l'introduction d'un dispositif de brouillage des téléphones portables dans les collèges et lycées pour «ne pas déconcentrer les élèves». Plus sévère encore, la création d'«établissements spécialisés d'accueil pour les élèves perturbateurs» dans tous les départements.

Mais, tout comme la proposition du retour à la modulation des allocations familiales pour lutter contre l'absentéisme à l'école, ces «mesures» ne sont pas nouvelles. De l'aveu du rapporteur lui-même, les sénateurs «n'ont pas inventé l'eau chaude» avec ce rapport. Entre le recyclage d'anciennes lois (exposition obligatoire et effective des emblèmes de la République) et la réaffirmation de vieux débats de droite (recentrage du programme d'histoire autour du «récit national», suppression du dispositif d'enseignement des langues et cultures d'origine), les conclusions du rapport ne sont pas réellement innovantes. Plus de fermeté et un renforcement du sentiment d'appartenance à la nation pour lutter contre les terroristes en puissance, en somme. Le tout dans une école érigée en sanctuaire républicain (on parle d'instaurer des «rites» et de «sacraliser les lieux d'éducation»).

«D'inspiration UMP»

Seule nouveauté du programme : la chasse aux professeurs pas assez républicains. En proposant d'axer leur concours d'entrée autour des valeurs de la République, puis de demander aux lauréats de prêter serment, l'idée est de rappeler à l'enseignant «qu'il est avant tout un représentant de l'Etat». «Sur le terrain, on nous brandit la liberté pédagogique à tout va. Ce à quoi nous avons répondu : "Vous êtes avant tout un fonctionnaire de l'Etat"», explique Jacques Grosperrin.

Marie-Christine Blandin, sénatrice écologiste du Nord, a, elle, voté contre le rapport, comme ses homologues socialistes et communistes. Elle dénonce une enquête «politique et d'inspiration polémique». «A la recherche des moyens d'aider les enseignants à créer l'adhésion républicaine, le rapport préfère la mise en scène de propositions rétrogrades et inefficaces d'inspiration UMP», écrit-elle dans un communiqué. Plusieurs établissements, dont le lycée Paul-Eluard de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), avaient par ailleurs refusé de collaborer à l'enquête et appelé «tous les établissements scolaires qui seraient invités à participer à ce simulacre de dialogue à le refuser également».