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Libération
Récit

Communication et lutte contre le terrorisme : la mémoire courte des sarkozystes

En dénonçant l’usage par François Hollande et Bernard Cazeneuve de l’arrestation de suspects terroristes, l’opposition fait preuve d’une bonne dose de mauvaise foi.
Eric Ciotti devant le siège du parti «Les Républicains», en juin. (Photo Thomas Samson. AFP)
publié le 16 juillet 2015 à 16h45

«C'est contradictoire avec toutes les pratiques habituelles, c'est généralement le procureur qui communique.» Eric Ciotti, député Les Républicains des Alpes-Maritimes, était irrité, jeudi, par les déclarations, la veille, de François Hollande puis Bernard Cazeneuve sur les arrestations de suspects terroristes. Nadine Morano aussi. «Le ministre de l'Intérieur devrait faire preuve de plus de discrétion et de prudence. S'exprimer alors que les personnes sont en garde à vue me semble risqué», a-t-elle déclaré sur France 2. La critique a déjà été adressée à l'actuel exécutif par ces proches de Nicolas Sarkozy lors d'un épisode précédent, fin avril, après l'arrestation de Sid Ahmed Ghlam, soupçonné d'avoir voulu attaquer des églises dans le Val-de-Marne. Henri Guaino parlait de «surexploitation», de «surdramatisation», à même selon lui de produire «une angoisse générale».

La démarche de l'exécutif jeudi soir est-elle «inédite» comme s'en indigne aujourd'hui Ciotti ? Pas du tout. Durant le précédent quinquennat, les gouvernements Fillon ont régulièrement annoncé dans les médias arrestations et démantèlements de filières. La «tradition de ne pas communiquer sur les attentats déjoués», invoquée par le député du Nord et porte-parole du parti Les Républicains, Sébastien Huyghe, ressemble surtout à une légende urbaine exhumée aujourd'hui pour trouver un angle d'attaque sur un sujet consensuel, la lutte contre le terrorisme.

Comme de la poudre

Le 11 novembre 2008, un important détachement policier débarque dans le village de Tarnac, en Corrèze, et dans plusieurs domiciles à Paris et Rouen. A 8h17 tombe un communiqué de l'Intérieur, à l'époque occupé par Michèle Alliot-Marie. La Place Beauvau «se félicite d'un coup de filet dans un groupe d'ultra-gauche de la mouvance anarcho-autonome», comme l'a raconté le journaliste David Dufresne, auteur de Magasin Général, une contre-enquête sur l'affaire dite de Tarnac. Le communiqué est suivi deux heures plus tard d'un «point presse», dans le bureau d'Alliot-Marie. Les éléments de langage ministériels se répandront comme de la poudre dans les médias. Un peu moins d'un an plus tard, la DCRI (aujourd'hui rebaptisée DGSI) interpelle un physicien soupçonné de liens avec Al-Qaeda au Maghreb islamique. Il est placé en garde à vue à Lyon le 8 octobre 2009. Brice Hortefeux, ministre de l'Intérieur depuis quelques mois, y est aussi en déplacement. L'occasion est trop belle. L'après-midi même, une conférence de presse est organisée dans la cour intérieure du commissariat. «L'enquête indiquera peut-être que nous avons évité le pire», déclare-t-il. Un an plus tard, en novembre 2010, le même Brice Hortefeux révélera qu'un colis piégé à bord d'un avion au Yémen a été désamorcé «in extremis». Et ajoute au passage que deux arrestations de suspects jihadistes viennent d'avoir lieu.

Mais c’est avec l’affaire Merah, pendant la traque, l’assaut et juste après, que l’exécutif précédent déploiera le dispositif de communication le plus important. Claude Guéant, nouveau ministre de l’Intérieur, s’installe à Toulouse pendant plusieurs jours. Lors du siège de l’appartement de Merah, un QG est aménagé dans une caserne toute proche où Guéant intervient régulièrement pour informer les très nombreux journalistes présents, grillant parfois la priorité au procureur de Paris, François Molins. Quand, quelques jours à peine après l’assaut contre Merah, un groupe de jihadistes est interpellé, Nicolas Sarkozy donne des détails en personne. Des kalachnikovs ont été saisies, explique sur Europe 1 le président en campagne, soudain redevenu ministre de l’Intérieur.