Syriza s'exporte en France. Depuis 2012, une section locale du parti grec est présente dans l'Hexagone. Ses membres participent à toutes les manifestations et les rassemblements en faveur de la Grèce organisés par la gauche radicale. «Nos relations se sont renforcées avec les premiers bons résultats de Syriza et encore plus depuis janvier quand Aléxis Tsípras est devenu Premier ministre», précise Eric Coquerel, coordinateur politique du Parti de gauche. Avant tout communiqué, post de blog ou manifestation, la gauche radicale consulte ainsi Syriza France. «Nous essayons de nous accorder à chaque fois, mais nous sommes souvent sur la même longueur d'onde», poursuit-il. Membre de Syriza France depuis sa création, Manolis Kosadinos, médecin psychiatre de 56 ans, était ainsi la voix de Syriza dans le rassemblement organisé mercredi près de l'Assemblée nationale. Il explique pour Libération le rôle de Syriza France.
Dans quel but a été créée la section française de Syriza ?
Depuis 2012, nous sommes là pour faire connaître la vision de la Grèce et de Syriza. Notre vocation est de diffuser le message du parti à l’étranger. Il y a près de 35 000 Grecs en France et un important réseau associatif. Syriza, c’était l’occasion de se réunir et de tenter d’expliquer ce nouveau projet qui était en train de poindre en Grèce. Nous essayons d’intervenir directement dans la vie publique des pays où nous sommes installés par le biais de coopération mixte au sein d’associations, de collectifs… Nous participons à des réunions, des meetings, des interventions publiques pour faire entendre la voix de Syriza en France. Il y a également plusieurs collectifs sur la Grèce dont Avec les Grecs : ils comprennent une grande part des partis de gauche – de l’aile gauche du PS au NPA en passant par le Front de gauche, tous les syndicats et des associations comme Attac. Des collectifs locaux se sont également mis en place, dans les quartiers, les lieux de travail ou en province.
Avez-vous l’impression que les Français se soucient du problème grec ?
Oui, les Français sont sensibles à la question grecque mais avec quelques nuances. Ils ont une position très évolutive. Mais l’opinion publique est beaucoup plus favorable aujourd’hui, car les Français s’aperçoivent que ce qui se passe en Grèce peut les toucher directement. Les enjeux de la Grèce d’aujourd’hui sont des enjeux qui touchent directement le citoyen et le salarié français : droit du travail, protection sociale, surendettement, asphyxie financière.
Vous aviez appelé les parlementaires français à voter contre l’accord entre la Grèce et les créanciers. Avez-vous été déçus de voir que le oui l’a emporté à Paris comme à Athènes ?
Le vote grec ne m'a pas surpris. Il y a un soutien inconditionnel, sans ambiguïté des députés de Syriza envers le gouvernement. Les 39 [32 votes contre, 6 abstentions et un absent, ndlr] qui se sont différenciés soutiennent aussi le gouvernement, mais de manière plus critique. Au Parlement grec, 122 députés ont voté pour, si on était en dessous de 120, le gouvernement aurait été mis en minorité et il y aurait eu de nouvelles élections, donc tout était calculé. Nous étions contre l'accord mais nous continuons à soutenir Aléxis Tsípras. Il y a un projet pour l'Europe qui n'est pas le nôtre, c'est celui du docteur Schäuble [le ministre allemand des Finances, ndlr]. Il veut encore renforcer un euro fort et réduire les politiques de protection sociale. Il veut imposer l'austérité dans toute l'Europe. Ceux qui ne sont pas d'accord doivent dégager. Dans ce contexte, la France se trouve en très mauvaise posture. Elle a toujours négocié dans une position de faiblesse face à un projet libéral qui devient de plus en plus puissant. La France est obligée de s'agenouiller.
Vous êtes très proches du Front de gauche, pensez-vous qu’un Syriza à la française peut apparaître dans le paysage politique français ?
Ça dépend du sort qu’auront ces projets dans les autres pays, Syriza, la gauche radicale en Espagne… Après la chute du mur de Berlin, et dans les années qui ont suivi, les idéologies de la gauche radicale sont tombées comme un château de cartes. Mais il y a encore des questions très importantes, cruciales pour la vie de chacun qui ne sont pas réglées. C’est sur ces questions qu’un projet alternatif est né dans plusieurs pays et de façon indépendante ces dernières années, le Front de Gauche, Syriza, Podemos… Des forums européens et mondiaux sont nés pour qu’il y ait des discussions transnationales.
Si les créanciers sont aussi intransigeants avec Syriza, est-ce pour éviter la victoire de la gauche radicale dans d’autres pays ?
Je pense qu’il y a eu un coup d’Etat politique visant à renverser la gauche radicale grecque, mais les acteurs qui y ont participé ne l’ont pas tous fait pour le même motif. Le gouvernement allemand souhaite surtout établir une Europe favorable à son hégémonie financière. Ça va au-delà du politique. En revanche dans les pays du Sud, en crise avec des élites conservatrices, réactionnaires et corrompues, comme en Espagne ou au Portugal, ce qui a primé, c’est la motivation politique. Ce sont des gouvernements menacés par la gauche radicale, donc ils n’avaient pas intérêt à ce que Syriza l’emporte. En France, c’est plus flou, vu le score du PS aux dernières élections, il y a une menace pour une certaine élite dirigeante dans le parti. Ils ont très peur de l’émergence de la gauche radicale.
En janvier, le Front national s’est félicité de la victoire de Syriza aux élections législatives. Ils ont également appelé à voter non au référendum. Que pense Syriza France de ce soutien surprenant ?
Marine Le Pen n’est pas en faveur de la Grèce et de Syriza. Elle veut exclure la Grèce de la zone euro et obliger le pays à payer toutes ses dettes. C’est la pire option qui puisse exister, pire que le plan Schäuble. Ce qu’elle dit est outrancier et démagogique et manque d’éthique. Elle dit tout et n’importe quoi.
Aujourd’hui, le ministre de l’Intérieur grec, Nikos Voutsis, a déclaré que des élections anticipées pourraient avoir lieu à la rentrée. Y êtes-vous favorable ?
Je ne suis pas d’accord pour des élections anticipées. Nous n’avons pas les moyens de nous payer ce luxe. Il y a eu des élections en janvier, nous avons une majorité politique, on peut gouverner ce pays. Le problème de la Grèce n’est pas un problème d’élection, mais un problème de transformation sociale, un problème économique. Les élections ne vont rien apporter, c’est juste du calcul politicien.