Menu
Libération
Éditorial

François Hollande et le vieux refrain d’un «gouvernement européen»

Publié le 20/07/2015 à 19h56

C'est une devinette aux allures de matriochka. Qui a souhaité, le 1er juin, dans les colonnes du Journal du dimanche, la création d'une «avant-garde européenne», avec à la clé gouvernement, budget et Parlement de la zone euro ? Emmanuel Macron. Qui remettait le couvert, trois jours plus tard, dans neuf journaux européens, lançant un appel à une «zone euro renforcée» ? Le même ministre de l'Economie français, cosignant avec le vice-chancelier allemand et le chef du SPD, Sigmar Gabriel. Qui, sept ans plus tôt, réclamait un «gouvernement économique» de l'Europe, sans parvenir alors à convaincre Angela Merkel ? Nicolas Sarkozy. Et qui a fini par envoyer, en mai, une lettre au président de la Commission européenne, appelant de concert avec François Hollande à la création d'un «gouvernement de la zone euro» ? Angela Merkel. Soit une cascade de vœux pieux et de concepts creux, sous couvert de donner plus de chair à l'Europe, dans un avenir qui n'advient toujours pas. Autant dire que, glissée sous un hommage à son mentor Jacques Delors, la tribune de François Hollande dans le JDD de cette semaine n'a le mérite ni de la nouveauté ni du concret. Le Président reprend l'idée d'un gouvernement propre aux 19 pays de la zone euro, y ajoute «un budget spécifique ainsi qu'un Parlement pour en assurer le contrôle démocratique», et suggère la création d'une «avant-garde» européenne. Composée des six pays fondateurs de l'UE, a complété Manuel Valls. Soit ni plus ni moins que «l'Europe unie», premier stade d'intégration proposé par François Mitterrand dans sa théorie de «l'Europe des trois cercles», délaissée depuis le milieu des années 90, avant d'être ressuscitée pendant le débat français sur la Constitution européenne, il y a dix ans. Hollande, qui rêvait l'année dernière d'un «nouvel Airbus européen», dresse pour l'instant la seule liste des «insuffisances» de l'Europe. «Les Parlements restent trop loin des décisions. Et les peuples se détournent à force d'être contournés», déplore, entre autres, le chef de l'Etat. Sur ses remèdes, on en saura plus «dans les semaines qui viennent», a promis le Premier ministre, heureux de voir son président (et donc la France) «à l'initiative». Car c'est bien ce qui compte en politique, le moment plus que le contenu. Une semaine après l'accord avec Athènes, François Hollande veut garder la main. Aléxis Tsípras ayant eu recours au référendum, pour de nouveau se légitimer en Grèce (même en se fragilisant sur la scène européenne), l'extrême droite prospérant sur le thème de «l'Europe technocratique», et le compromis de Bruxelles s'étant soldé par une perte de souveraineté, Hollande rebondit en proposant plus de démocratie. C'est habile. Efficace ?