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Libération
Récit

Défaut de permis : l'amende de la discorde

Conduire sans autorisation pourrait être sanctionné d'une contravention de 500 euros et ne plus être un délit. Une annonce qui fâche les associations de sécurité routière.
La ministre de la Justice Christiane Taubira, le 30 juin 2015 à l'Elysée (Photo ALAIN JOCARD. AFP)
publié le 31 juillet 2015 à 13h16

500 euros, c'est l'amende dont devront peut-être s'acquitter les automobilistes qui roulent sans permis ou assurance. La mesure fait partie du projet de loi sur la justice du XXIe siècle présenté ce vendredi en Conseil des ministres. Le texte consulté par l'AFP prévoit ainsi que, lorsque les faits «seront constatés pour la première fois» et à l'exception de certaines circonstances (comme l'absence du port de ceinture ou un taux d'alcoolémie trop élevé), ils ne constitueront plus un délit. Les conducteurs ne seraient donc plus passibles d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende, comme c'est le cas aujourd'hui. Si les faits sont répétés, les sanctions seront en revanche aggravées: deux ans de prison et 30 000 euros d'amende pour un défaut de permis, deux mois en cellule pour absence d'assurance.

Christiane Taubira a affirmé au micro de France Inter vendredi matin qu'il s'agit d'une «mesure plus efficace, plus rapide, et plus juste» : «Aujourd'hui, la réalité, c'est que plus de 70% de ces infractions sont traitées non pas en juridiction correctionnelle mais par ordonnance pénale, avec des délais qui vont de dix à quatorze mois, affirme la ministre. Nous constations une très grande disparité de décision de montants d'amende sur l'ensemble du territoire.» Le Syndicat de la magistrature, cité par l'AFP, estime également que «la répression des infractions routières occupe très largement les tribunaux correctionnels au point que certains parquets surchargés ne les traitent que de façon standardisée». Au micro de France Inter vendredi matin, Christiane Taubira, elle-même «réticente pendant des mois» au projet, insistait par ailleurs sur le fait que «le prix du permis de conduire est parfois une raison du défaut du permis».

Levée de boucliers

Les justifications de ce projet de loi n'ont pas empêché de susciter les critiques des associations de sécurité routière et d'automobilistes. «Un projet de loi calamiteux, pathétique», pour Chantal Perrichon, présidente de la Ligue contre la violence routière. Pierre Chasseray, directeur général de 40 millions d'automobilistes, exprime lui aussi son incompréhension : «Ça coûtera moins cher de prendre une prune que de prendre une assurance ! [...] C'est un relâchement alors qu'on constate une augmentation du nombre de personnes conduisant sans permis et sans assurance», ajoute-t-il.

Du côté de l'opposition, les réactions ont été sévères. Hervé Mariton, député du parti Les Républicains et président du groupe d'études sur la sécurité routière à l'Assemblée nationale, a déploré dans un communiqué «un mauvais signal supplémentaire contre la sécurité routière». La porte-parole de l'UDI, Chantal Jouanno, a de son côté déclaré sur France Info qu'une telle mesure serait «catastrophique»: «On voit une augmentation du nombre de morts sur les routes et au-delà des morts, il y a des blessés et beaucoup de familles brisées par ces blessés. [...] Les pro et anti-automobilistes se rejoignent pour dire que c'est une mauvaise réforme, c'est quand même assez rare de faire l'unanimité !»

Face à cette levée de bouclier, Christiane Taubira a assuré sur France Inter que cette disposition pourrait être retirée du projet de loi «s'il n'y a pas d'acceptabilité dans la société».