Pas de repos pour les braves européens, au rang desquels François Hollande se compte désormais, après le «sauvetage» de la Grèce, obtenu de haute lutte. Dès le lendemain de l'accord de Bruxelles, arraché aux petites heures du lundi 13 juillet, le président français est passé en mode «avance rapide», évoquant l'idée d'un gouvernement, d'un Parlement et d'un budget de la zone euro dans son allocution télévisée du 14 juillet. Battre le fer tant qu'il est chaud : c'est l'idée de l'Elysée, qui promet une grande «initiative européenne» pour la rentrée. A la fin de l'été, le chef de l'Etat «a dégagé son agenda pour recentrer son discours sur deux choses : l'Europe et la COP 21», confirme un conseiller. Exit le voyage officiel en Chine - qui devait se dérouler début septembre -, finalement reprogrammé en novembre.
Droit de vie ou de mort
C'est que le temps presse pour resserrer les liens européens. «Qu'il manque un degré d'intégration n'est pas une révélation, mais la crise grecque l'a illustré de manière éclatante, explique l'entourage du Président. Il y a un tel degré de repli national, de tensions entre les pays européens, que nous devons agir vite. Ce qu'on a vu à Bruxelles, c'est que très peu de chefs de gouvernement étaient capables de s'extraire de leur intérêt national, de penser collectif.» Et «sans impulsion, nous aurons collectivement un gros problème au prochain choc», prévient-on de même source.
D'où un activisme tous azimuts : tribune de François Hollande dans le Journal du dimanche du 19 juillet, réunion à l'Elysée pour «faire le point sur le plan Juncker» d'investissements européens, et séminaire gouvernemental consacré en partie à la question européenne après le dernier Conseil des ministres. Le 31 juillet, le secrétaire d'Etat aux Affaires européennes a semé un petit caillou français de plus sur le chemin d'une coopération renforcée. Dansle Monde, Harlem Désir explique qu'il faut «passer de l'euro-monnaie à l'euro-politique». «La zone euro n'a pas seulement besoin d'amortisseurs, elle a besoin de moteurs», souligne-t-il, dévoilant davantage les idées françaises quand il évoque un «diagnostic partagé» sur l'état de la zone à chaque début de semestre et la création «d'instruments financiers communs».
A l'Elysée, des pistes sont à l'étude pour créer cette «avant-garde» européenne souhaitée par Hollande. «On sait dans quel domaine on veut travailler : gouvernance - c'est la question de la démocratisation nécessaire - et ressources - faut-il un budget ou pas ?» confirme un conseiller. Paris phosphore sur un rapprochement de l'impôt sur les sociétés et sur l'épargne entre la France, l'Allemagne et l'Italie. Un «véhicule d'épargne pour l'investissement», sorte de livret franco-allemand, serait dans les tuyaux. L'idée : canaliser les liquidités européennes vers la zone euro, notamment l'énorme bas de laine allemand.
Côté démocratie, la gauche française a bien noté qu'Aléxis Tsípras, au plus fort de la crise, était reparti devant son peuple pour se relégitimer avant d'accepter un programme d'austérité drastique. «Soit il est imprévisible, soit c'est un génie politique, analyse a posteriori un conseiller de Hollande. Il a joué avec le feu. Il est arrivé à se remettre au centre.» Des Parlements nationaux qui ont droit de vie ou de mort sur la zone euro, ça n'est plus jouable à l'heure où les partis populistes grignotent le terrain politique. «On a besoin d'une contrepartie aux décisions de Bruxelles», constate l'Elysée, qui sait pourtant combien cet abandon de souveraineté sera difficile à vendre aux Français. Il y a trois possibilités : créer une commission de la zone euro au sein du Parlement de Strasbourg - donc composée à 100 % d'eurodéputés -, envoyer des délégations des Parlements nationaux ou panacher eurodéputés et députés nationaux. Cette dernière a les faveurs de Paris.
Là où ça fait mal
Reste à convaincre les partenaires de la France. Or, depuis la première sortie de Hollande sur le gouvernement de la zone euro, c'est peu dire que les Allemands se sont raidis. Berlin est hostile à toute idée de gouvernance européenne - Angela Merkel préfère parler de gouvernement économique. Certes, «ce n'est pas son langage, mais elle veut une politique économique plus coordonnée», assure un proche de François Hollande. Il y a dix jours, le cercle des économistes conseillant Merkel a débouté le président français par avance, constatant que «la volonté des citoyens [n'était] pas là» pour une plus forte intégration européenne, appuyant là où ça fait mal : les «énormes différences» sur les plans économique, social et fiscal entre les pays européens. De simples «points de vue», veut-on croire à l'Elysée.