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Analyse

Après François de Rugy, d'autres départs écolos à prévoir ?

Ce jeudi matin, le coprésident du groupe EE-LV à l'Assemblée a annoncé qu'il quittait le parti, dont il dénonce la «dérive gauchiste».
François de Rugy, à Paris, à l'issue d'une conférence de presse ce jeudi. (Photo Kenzo Tribouillard. AFP)
publié le 27 août 2015 à 15h34

On tablait plutôt sur le départ de Jean-Vincent Placé. C'est en fait le patron, non pas des sénateurs mais des députés Europe Ecologie-les Verts, qui claque la porte le premier. «Pour moi EE-LV, c'est fini, affirme François de Rugy au journal le Monde ce jeudi matin. On n'arrive plus à avoir les débats, ni de fond ni stratégiques au sein d'un parti qui s'enfonce dans une dérive gauchiste.» Si ses camarades s'étonnent du tempo de son annonce, une semaine après les journées d'été du parti – «Où il n'avait rien laissé paraître», dixit un responsable –, nombre d'entre eux s'attendaient au fond à cette rupture. «Sa décision mûrit depuis longtemps, ce n'était plus tenable pour lui», affirme un ami. Un dirigeant PS qui a vu le député de Loire-Atlantique avant l'été renchérit : «François en avait vraiment marre de ce parti où les plus durs sont restés.» Quitte-t-il en éclaireur le parti écolo profondément divisé, laissant augurer d'autres départs ?

Le Nantais, qui vient d'achever son livre Ecologie ou gauchisme, il faut choisir, n'est pas le premier à franchir le pas. Il a été précédé par les députés Christophe Cavard puis François-Michel Lambert, suspendu en juin. Mais François de Rugy est coprésident du groupe EE-LV à l'Assemblée avec Barbara Pompili. Surtout, le débat autour des relations des écologistes avec le pouvoir socialiste repart de plus belle. Alors que la question de leur participation au gouvernement s'est tassée, la perspective d'un remaniement s'éloignant, la querelle rebondit à l'approche des régionales. Les verts se sont empoignés lors de leurs journées d'été pour savoir s'il fallait se présenter de manière autonome voire faire accord avec le Front de gauche dans certaines régions ou s'allier dès le premier tour avec le PS. De Rugy, lui, est partisan d'un accord avec les socialistes, tout comme Placé et Pompili.

«D’autres vont suivre, c’est inéluctable»

Pour François-Michel Lambert, qui ne décolère pas contre l'orientation «khmer vert» d'EE-LV, «d'autres vont suivre, c'est inéluctable, il n'y a plus rien à faire dans ce parti». Un haut responsable socialiste croit aussi à ce scénario : «S'ils font alliance avec le Front de gauche, certains vont se retirer des listes, d'autres resteront le temps de l'élection, ça va se déchirer.» Sur LCI, à la veille de l'ouverture de l'université d'été du PS, son numéro 1, Jean-Christophe Cambadélis, a vu dans le départ de de Rugy l'effet de la «mélenchonisation rampante des écologistes». «Ce que ressent François est ressenti par nombre de militants mais quelle serait l'ampleur de futurs départs ?», s'interroge le sénateur Jean Desessard.

Les «gauchistes» pointés par de Rugy, eux, minimisent. L'un d'eux tacle un «opportuniste, connu à l'extérieur du parti mais qui ne pèse rien en interne». Lors du rendez-vous estival de Lille, Sergio Coronado a été «surpris» de constater combien les tenants de l'alliance avec le PS «étaient minoritaires, même en voie de détestation» même s'il reconnaît à de Rugy «sa cohérence politique».

«Des démissions individuelles mais très minoritaires»

«Les journées d'été ont montré que la volonté d'affirmation des écologistes aux régionales dominait largement. La grande majorité des militants ne veut pas sombrer avec le PS. Il y aura des démissions individuelles mais très minoritaires», anticipe le député Jean-Louis Roumégas. «Cela fait des mois qu'on nous parle d'une scission», balaie David Cormand, chargé des élections, qui rappelle que «Noël Mamère et Isabelle Attard étaient partis, mais, eux, en dénonçant une dérive droitière».

«Je suppose que Jean-Vincent va suivre mais je ne veux pas imaginer que le mouvement écologiste puisse se résumer au débat sur la stratégie d'alliances», prévient l'eurodéputé Yannick Jadot. Daniel Cohn-Bendit, sur Europe 1, prédisait aussi le départ du sénateur de l'Essonne. Placé a averti qu'il «tirer[ait] toutes les conséquences» du vote militant prévu le 12 septembre en Nord-Pas-de-Calais-Picardie, région menacée par le vote FN, si c'est l'alliance avec le Front de gauche qui l'emportait. Affirmant ne pas avoir été surpris par l'annonce de son homologue de l'Assemblée, il devrait se faire discret à la Rochelle où il assiste vers 19h aux travaux du Front démocrate, le petit parti de Jean-Luc Bennahmias… avec de Rugy.

D'autres citent le nom de Barbara Pompili dans les possibles futurs partants. La députée de la Somme prône aussi une alliance avec le PS dans sa région Nord-Pas-de-Calais-Picardie et pourrait se retrouver en porte-à-faux. «Elle est habituée à être minoritaire localement, elle peut avaler cette couleuvre alors que François de Rugy a été artisan de l'accord avec le PS à Nantes et un adjoint emblématique de cette alliance. Les conséquences ne sont pas les mêmes», décrypte un député. Qui ne croit pas davantage à une démission de Denis Baupin : «Il ne quittera pas le parti tant que sa femme, Emmanuelle Cosse, en sera secrétaire nationale.» Proche de François de Rugy, le député Eric Alauzet, n'est pas non plus sur le départ : «Ce serait un échec pour moi, je veux faire bouger mon mouvement même si je n'y arrive pas comme je le souhaiterais, mais je comprends la démarche de François.»

Pourtant au bord de l'éclatement, le groupe à l'Assemblée – dont De Rugy veut toujours faire partie – devrait paradoxalement tenir le choc. Mais les adversaires du tandem Pompili-Rugy, qui avaient déjà lancé une fronde en juin, ne manqueront pas de réclamer une nouvelle coprésidence, représentative des deux tendances. «Tout le monde a intérêt à maintenir un groupe qui offre des moyens, du poids au Parlement», affirme un de ses 18 membres. Un autre : «On doit pouvoir acter notre désaccord et maintenir un groupe technique. Ce serait de l'intelligence politique. Mais l'intelligence politique, en est-on encore capable ?»