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Libération
Récit

Les frondeurs tracent une ligne jaune

Christian Paul, jeudi à Marennes (Charente-Maritime), lors de l’université d’été de la motion B (frondeurs) du Parti socialiste. (Photo Albert Facelly)
publié le 27 août 2015 à 20h06

La scène fait sourire. Christian Paul est installé, les genoux croisés, sur l'herbe, malgré les nuages. Autour de lui : stylos, micros et flashs. Il cause du manque d'ambition du gouvernement et de la rentrée : «Les motifs de colère sont nombreux, il faut maintenir une pression très ferme.» Il cite comme exemple le budget et la situation des migrants. Soudain, une voiture jaune passe. Des haut-parleurs sur le toit et un pilote qui balance : «Rendez-vous ce soir à 18 h 30 sur le parking de l'Intermarché de Marennes [en Charente-Maritime, ndlr] pour le grand cirque. Au programme, des clowns et des acrobates. Venez voir les clowns.» Paul se marre, gêné. Il prévient avec humour : «Attention à ce que vous allez écrire. Vous risqueriez de le regretter.»

«Démocratie sociale». Les frondeurs ont posé leurs valises dans une base de loisirs qui se trouve juste en face d'un cirque. Pas de bol. Au fil des minutes, la voiture passe à plusieurs reprises. Elle fait, désormais, partie du paysage. Christian Paul, lui, revient sur les propos de Pierre Gattaz. La veille, le président du Medef a déclaré que «le code du travail est le fléau numéro un des patrons». La sortie n'est pas anodine. Le code du travail démange le très social-libéral ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, et les réformateurs (voir ci-contre). Selon Christian Paul, lorsque «le dialogue se résume à Valls et Gattaz, nous ne sommes plus dans une démocratie sociale».

15 heures. Les ateliers débutent. Plusieurs thèmes à la carte. A l'extérieur de la base de loisirs, sous un petit chapiteau, débute l'atelier «Faut-il moderniser le code du travail ?» Parmi les intervenants, Gérard Filoche, l'ancien inspecteur du travail et enfant terrible du PS, et Gilles Tesson (avocat en droit du travail). Face à eux, une cinquantaine de militants. Le micro tourne, les questions aussi. Certains abordent les ennemis Gattaz et Macron. D'autres les 35 heures ou le syndicalisme. La fin de l'atelier approche et c'est au tour de Filoche de prendre la parole. Il se lève. «La loi Macron est une loi réactionnaire, une honte pour la gauche et notre majorité. Il faut combattre Macron parce qu'il nous fait des bras d'honneur», dit-il avant de faire dans l'humour avec un slogan : «Rien n'est bon dans le Macron.» L'ancien inspecteur du droit du travail est bouillant. «Le code du travail est un pilier de notre République. Mais Macron préfère l'uberisation de notre société : un travail sans droit et sans horaire.» Les militants acquiescent. En conclusion, Filoche aborde le sujet des 35 heures : «Il faut baisser le temps de travail pour diminuer le chômage. Une société ne peut pas vivre avec six millions de chômeurs et neuf millions de pauvres.»

«Gauchistes». L'heure tourne. A l'intérieur de la base de loisirs, Laurent Baumel serre des pognes. Café à la main, il revient sur le congrès de Poitiers et sur la rentrée. On lui parle des réformateurs. «Ils défendent leurs idées, ils sont dans leur rôle», dit-il. Le code du travail ? «Nous ne sommes pas des gauchistes mais des socialistes. Et c'est pour cette raison que nous sommes pour la simplification et la modernisation des procédures mais contre les remises en cause de la protection de l'employé. […] Rien ne prouve aujourd'hui que le CDI est un frein à l'embauche.»

Jérôme Guedj multiplie les pauses. Un coup à l'intérieur. L'autre à l'extérieur. Le retour de vacances a été douloureux, et l'Essonne est dans un coin de sa tête. La perte du département a toujours un goût amer. Comme ses camarades, il s'apprête à mettre la pression au gouvernement et à Jean-Christophe Cambadélis avant les régionales qui s'annoncent douloureuses et la présidentielle qui se pointe. Il prévient : «Le code du travail, c'est une ligne jaune à ne pas franchir.» Puis, il revient presque sur ses mots : «En même temps, ce gouvernement a pris l'habitude de franchir toutes les lignes.»