Le patron a pourtant prévenu ses troupes. Jeudi matin, sur LCI, le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, met en garde les socialistes : «S'il s'agit de remettre en cause le code du travail, ce sera sans le Parti socialiste.» Son appel n'a visiblement pas été entendu au somptueux domaine viticole de Carbonnieux, à Léognan (Gironde), où le pôle des «réformateurs», l'aile droite du PS, effectuait sa rentrée. Le fil rouge des discussions ? La question du droit du travail et de sa rigidité. Le premier à embrayer n'est autre que l'invité d'honneur du jour, le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron. Devant une salle conquise, il a théorisé pendant plus d'une heure sa vision du réformisme, «le cœur du progressisme».
«Rigidités». Si Macron - qui ne se rendra pas à la Rochelle - assure «ne pas être obsédé par la taille du code du travail», il est selon lui «nécessaire de revisiter cela, pas par provocation, mais par nécessité». Le patron de Bercy dénonce un marché du travail qui est «une des véritables inégalités» en France. «Il y a trop de lois et pas assez de contrats en France. [...] Le code du travail protège trop les insiders - et notamment les CDI de grands groupes et les fonctionnaires - au détriment des outsiders», à commencer par les jeunes. Il n'a toutefois avancé aucune proposition concrète. Au contraire du député de Gironde et hôte de la journée, Gilles Savary.
En ouverture, ce dernier a dénoncé «les rigidités et la complexité» du droit du travail et proposé de «mettre en place des accords de compétitivité» dans le cadre des branches et de «simplifier le droit du travail» pour le «rendre plus transparent, plus lisible». Au milieu de la journée, alors que les 200 personnes présentes se restaurent d'amuse-bouche, le député de Gironde revient sur les déclarations de Cambadélis : «S'il ne veut pas toucher au code du travail, il y a longtemps que la société l'a fait, et violemment en plus. [...] On fait semblant de ne pas voir que le travail précaire augmente, on est dans l'hypocrisie la plus complète. [...] On ne comprend pas que le CDI est un Titanic. Le contrat unique aurait le mérite d'éviter la multiplication des contrats précaires.» Un avis que ne partage pas son collègue Christophe Caresche, député de Paris : «Le contrat unique, plus grand monde ne le défend. Mais un assouplissement est nécessaire, il faut ouvrir le débat.» Lui vise plutôt le dialogue social, qu'il juge «peu productif». «Il faut négocier par branches ou par conventions collectives. Là, au niveau national, c'est trop verrouillé.»
Impatience. Chez les réformateurs, tous guettent avec impatience le futur rapport Combrexelle [Jean-Denis, ex-directeur général du Travail, ndlr], commandé par Manuel Valls, qui doit justement proposer quelques pistes pour favoriser les accords d'entreprise. En attendant, l'aile droite du PS «veut mettre toutes les cartes sur la table», comme le souligne le député du Val-d'Oise Philippe Doucet : «Le droit du travail ne fonctionne plus. Il faut que l'on décide comment mettre en place une nouvelle régulation, un kit minimum de droits.»
Pour Caresche, le Président n'a plus le choix, il faut agir sur le droit du travail. «François Hollande a indexé sa future candidature sur le renversement de la courbe du chômage, donc soyons clairs. Il faut rester sur l'orientation qui est la nôtre et ne pas faire la politique du carnet de chèques.» Mais pour certains, c'est déjà trop tard, et Hollande aura du mal à se représenter en 2017. «Même si le chômage baisse très fortement, les Français mettront plusieurs mois à le ressentir, c'est déjà trop tard», regrette un député socialiste. Lancé il y a un an, le pôle des réformateurs entend désormais peser de plus en plus au sein du PS. Ils ont trouvé avec Valls et Macron deux alliés de poids pour mener la bataille idéologique au sein de la gauche. «La majorité au PS, on peut l'avoir», espère Philippe Doucet.