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Libération
Edito

Sortie piteuse pour Jean-Vincent Placé

Jean-Vincent PlacéŽ avant un discours au Front DéŽmocrate Ecologique et Social. (Photo Laurent Troude)
publié le 28 août 2015 à 19h36

«Je pars», a annoncé, vendredi, Jean-Vincent Placé la gorge nouée. Quoi que l'on pense de l'homme, bon vivant et cash, et pas moins écolo qu'un autre parce qu'il a été rad-soc et conduit une voiture sans payer tous ses PV, cette sortie, vingt-quatre heures après celle de son ami - et néanmoins rival pour un strapontin ministériel - François de Rugy, est médiatiquement ratée et politiquement piteuse. Le «Richelieu des Verts» quitte donc son royaume : «C'est un astre mort, une structure morte qui donne aujourd'hui une vision caricaturale et politicienne de l'écologie», a-t-il jugé sur Europe 1. Avant de dénoncer «la dérive gauchiste» de ses désormais ex-camarades en voie de mélenchonisation, et de tresser des couronnes à Ségolène Royal et Emmanuel Macron, formidables ministres du non moins formidable François Hollande. Une telle caricature de l'écologiste opportuniste prêterait à rire si le constat fait par l'intéressé n'était si juste.

Oui, l'écologie politique est à terre. Oui, la galaxie Europe-Ecologie, qui avait rassemblé en 2009-2010 les écologistes politiques (Duflot, Cohn-Bendit), éthiques (Joly), associatifs (Hulot), activistes (Jadot) ou paysans (Bové) n'intéresse plus les Français, pourtant passionnés d'environnement. Voilà les Verts promis à une succession de revers électoraux : aux régionales, ils devraient perdre les deux tiers de leurs élus pourtant si dévoués sur le terrain, et une candidature EE-LV à la présidentielle de 2017 ne pourra être que «croupion», a jugé vendredi Placé, avec raison. Censée faire de la politique autrement, Cécile Duflot, son ex à la scène et à la ville, «se prépare» pour 2017, «prend de la hauteur», «consulte» des experts, en usant d'un champ lexical présidentiel éculé. Tout cela pour défendre l'autonomie d'un projet largement en friche, totaliser 2 % au risque d'éliminer le candidat socialiste du second tour ? Ou faire monter les enchères et conserver son investiture de députée de Paris ? Quel intérêt ? Quelle inanité !

Jean-Vincent Placé peut aujourd'hui le regretter en larmoyant et en partant. Il n'en reste pas moins l'un des principaux artisans de cette bérézina. Fossoyeur d'Europe-Ecologie, il peut jeter sa pelle verte, son travail est achevé. Il a enterré la dynamique qui a porté ce rassemblement à 16,28 % aux européennes en 2009 et à 11,5 % aux régionales l'année suivante. Non sans l'avoir habilement fait fructifier en dealant en 2011 avec le PS un accord électoral en béton qui a permis à EE-LV d'obtenir un groupe parlementaire au Sénat et à l'Assemblée. Et deux ministres, dont Cécile Duflot. Sauf qu'elle ne l'a pas fait entrer avec elle au gouvernement. De là date leur divorce politique. Pendant son règne ministériel à elle, il a dézingué le gouvernement Ayrault. Quand elle a décidé unilatéralement de ne pas rempiler avec Valls et l'a doublé sur sa gauche pour coller à la base rouge-verte du parti, il s'est mué en valet ridicule de la hollandie. Mais qui, sinon le duo Placé-Duflot, a bloqué entre 2009 et 2011 les adhésions directes à Europe-Ecologie pour garder la main sur l'appareil ? Refusé de nommer Cohn-Bendit président d'honneur du mouvement ? Obligé à accoler «les Verts» à «Europe-Ecologie» lors de la fusion ? Bloqué un binôme Duflot-Jadot à la tête d'EE - LV ? Qui nous jurait en 2008 que «Cécile serait la Ségolène de 2012» ? Placé s'en va. Duflot reste. Ecolos, aux abris !