«"C'est le cas, monsieur le maire" : six mots qui me valent une soirée aux urgences.» Le message a été posté mardi soir sur Twitter par Gilles Wobedo. Ce jeune homme de 28 ans est l'une des figures de l'association «Hayange en résistance», qui veut incarner l'opposition citoyenne à Fabien Engelmann, le maire FN de cette commune mosellane. Il raconte avoir été évacué avec violence de la mairie suite à une remarque anodine, et dénonce la «spirale infernale» d'un édile très fragilisé sur le plan politique. Libération a recueilli son propos.
Que s’est-il passé pour vous au conseil municipal, mardi soir ?
Vers la fin de la séance du conseil municipal, Fabien Engelmann a fait voter par sa majorité une protection fonctionnelle des élus. C’est-à-dire la prise en charge par la ville des frais de justice, à hauteur de 5 000 euros, dans une affaire engagée par le maire en son nom propre contre notre association «Hayange en résistance» et notre petit magazine, qu’il accuse de diffamation. Fabien Engelmann nous a reproché de dire qu’il a agi en dépit des lois de la République. J’ai alors rétorqué à voix haute : «C’est le cas, monsieur le maire.» Aussitôt, il a ordonné mon expulsion du conseil municipal. C’est une technique habituelle chez lui, qui consiste à provoquer ses opposants puis à utiliser son pouvoir de police pour les faire évacuer. Et ce alors que les sympathisants du FN, eux, peuvent passer la séance à applaudir, ricaner ou commenter.
L’expulsion a été faite par deux policiers municipaux, dont l’un, récemment arrivé sur Hayange, est déjà poursuivi en justice dans une affaire de violence grave sur personne vulnérable. J’ai été mis à terre et ce policier m’a fait une clef de bras. C’était une action violente et une humiliation publique. J’en ai gardé un œdème et de multiples hématomes.
Quel est le climat politique à Hayange ?
Mardi soir, toujours, Fabien Engelmann a démis de sa fonction son premier adjoint, Damien Bourgois. Ce dernier a pris ses distances avec lui après une nouvelle affaire de financement illicite de campagne. Ce genre de scènes de ménage internes à l'extrême droite est assez habituel à Hayange, et nous y assistons avec consternation. C'est la troisième fois que le maire va devoir changer de premier adjoint depuis les municipales de 2014. Sa majorité se réduit comme peau de chagrin : il ne peut plus compter que sur 17 ou 18 fidèles sur 33 élus. Même parmi la population, l'image d'Engelmann commence à changer. Il avait repeint tout le centre-ville, mais la peinture commence à s'écailler, les rues ne sont plus aussi propres, on sent une sorte de sinistrose retomber sur Hayange.
Comment comptez-vous agir ?
En réunissant des gens de tous bords. Les partis ne peuvent pas continuer à se crisper sur leurs petites étiquettes, cela ne fonctionne plus aujourd’hui. Il faut avant tout rassembler des gens de bonne volonté, intéressés à l’intérêt général. Ce week-end a lieu à Hayange la «fête du cochon» lancée par Engelmann. Cela fait quinze jours que nous nous mobilisons sur ce sujet. Il faut bien comprendre que nous n’avons rien contre une fête du cochon en soi, cela existe dans d’autres communes de la région. Mais il n’y a qu’ici qu’elle est devenue un grand rassemblement d’extrême droite, où se croisent les croix celtiques, les islamophobes, les partisans de Marine ou de Jean-Marie Le Pen. Nous voulons sortir la ville de cette spirale infernale.
Le maire d'Hayange, Fabien Engelmann, a souhaité réagir à cet entretien. Nous publions ci-dessous ses propos :
«Monsieur Wobedo joue la victimisation. Lors des conseils municipaux, il arrive que les partisans de l'opposition ou de la majorité applaudissent, et je les laisse généralement faire. Mardi, M.Wobedo est intervenu tout au long du conseil, avant de prendre a parole alors qu'il était question de propos diffamatoires de la part de son association. Il n'avait pas à le faire et la police municipale lui a demandé à plusieurs reprises de quitter la salle, ce qu'il a refusé. En aucun cas il n'a pas été plaqué au sol, et aucune interruption de travail ne lui a d'ailleurs été délivrée. Les policiers municipaux déposeront plainte contre lui ce jeudi.
Quant à l'ex-premier adjoint Damien Bourgois, il s'est mis de lui-même hors de la majorité municipale, qu'il n'a eu de cesse de salir dans les médias. Il ne nous était plus possible de travailler avec lui, et je crois d'ailleurs qu'il figurera sur une liste dissidente pro-Jean-Marie Le Pen lors des élections régionales de décembre. Il nous reste 18 élus, et c'est un nombre qui ne bougera plus. Cela nous servira de leçon pour les prochaines élection, on fera attention aux personnes que nous mettrons sur notre liste.