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Analyse

Courbe contre la montre pour Hollande

La conférence de presse du Président, ce lundi, lance une dernière année de quinquennat périlleuse, qui validera ou non sa candidature pour 2017.
François Hollande, le 25 août 2015 à l'Elysée. (Photo Philippe Wojazer. AFP)
publié le 6 septembre 2015 à 19h36

Il reste un an à François Hollande. Non pas avant le premier tour de la présidentielle, mais pour se décider s’il sera, ou non, candidat en 2017. Ce lundi, à 11 heures, lorsqu’il s’approchera de son pupitre dans la salle des fêtes de l’Elysée pour la sixième conférence de presse de son quinquennat, le compte à rebours sera lancé. A la rentrée 2016, le chef de l’Etat sera pressé par sa majorité de dire s’il repart au combat. Ne serait-ce que parce qu’il faudra, s’il renonce, organiser une désignation.

Ce lundi, le président de la République sera bien sûr interrogé sur l'afflux de réfugiés en Europe et sur les réponses que la France compte apporter (lire pages 16-17). Il devrait aussi justifier sa décision de frapper les troupes de l'Etat islamique en Syrie (lire pages 12-13) et donner le détail des baisses d'impôts prévues pour 2016. Mais, une fois de plus, Hollande devra expliquer pourquoi sa politique économique n'a toujours pas permis d'inverser cette fichue courbe du chômage à laquelle il a lié son avenir. «S'il n'y a pas de baisse du chômage, je ne me représenterai pas», a encore répété Hollande le 14 juillet.

Le calendrier 2015-2016, rythmé par les résultats mensuels du chômage, risque de se transformer en supplice chinois. «C'est possible…» soupire un député PS de la commission des finances, qui reconnaît que le scénario d'une croissance supérieure à 1 % en 2015, un temps espéré par l'exécutif, n'est plus de mise, à cause des incertitudes sur la croissance mondiale (krach boursier en Chine, récession au Brésil…). «Tout est redevenu fragile», alerte l'élu. D'autant que la Banque centrale européenne a révisé, vendredi, ses perspectives de croissance pour 2015 dans la zone euro (1,4 %, contre 1,5 %). Des perspectives maussades, alors que le gouvernement comptait sur un «alignement des planètes» inespéré - baisse du prix du pétrole, euro faible, taux d'intérêts très bas - pour atteindre la barre des 1,5 % de croissance, seule capable d'enclencher une baisse durable du chômage.

«Complexité absolue»

«Pour l'instant, j'observe que ça ne marche pas, notre affaire», doute un ministre. Un intime de Hollande se montre inquiet : «Cela devient insupportable. Il va bien falloir trouver une solution avec cette baisse du chômage. Sinon…» Il soupire et se reprend : «Bon, si le chômage continue d'augmenter, ce n'est pas possible d'envisager une candidature. Sinon, tout sera bon à prendre.» Sous-entendu : un plateau ou une simple stabilisation pourrait suffire à Hollande pour se lancer. Un autre conseiller du chef de l'Etat reconnaît «que tout le monde s'est planté» sur le chômage : «On a tous anticipé que la sortie de crise allait arriver plus vite.» Sans oser utiliser le mot, plusieurs ministres font comprendre que Hollande a fait une «connerie» avec cette promesse, certes, «très courageuse». «Je ne le vois pas ne pas y aller, veut croire un ténor de la majorité. Mais il s'est mis dans un chemin de complexité absolue !»

Pour l'heure, à part une partie de l'aile gauche du PS, personne ne le voit lâcher l'affaire. «Vous croyez vraiment qu'il peut ne pas y aller ? sourit un responsable. Même si le chômage ne baisse pas, il trouvera une raison : le danger de l'extrême droite, l'extrême-droitisation de la droite, la division de la gauche…» Pour la direction du PS, le chômage baissera assez tôt pour que Hollande puisse se déclarer candidat à temps. «Nous sommes sur les prévisions de l'Insee, dans l'épure de ce qu'a prévu le gouvernement», fait remarquer Christophe Borgel, proche du premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis. Depuis le mauvais chiffre de la croissance au deuxième trimestre (0 %), Manuel Valls lui-même ne cesse de pointer les «signes positifs et intéressants» : exportations en hausse de 3 % sur le premier semestre, investissement des entreprises «qui repart», 27 000 créations d'emplois… Mais le chômage - au mieux - stagne.

«Trou de souris»

Par ricochet, l'équation que s'est fixée Hollande va mettre Cambadélis sous pression. Le patron du PS est contraint d'attendre que leur champion de 2012 se détermine pour engager, au cas où il ne repartirait pas, un processus de désignation du candidat. «François se déterminera tard, affirme un socialiste qui le connaît bien. D'abord parce qu'il ne veut pas engager le match trop tôt, ensuite parce que c'est sa méthode : il regarde, prend son temps, attend le trou de souris dans lequel il pourra s'engouffrer.» Chez Cambadélis, on fait valoir que le PS compte «préparer la campagne présidentielle, quel que soit le candidat».

Or, plus Hollande les fait patienter, plus les socialistes risquent d'avoir du mal à organiser cette désignation ouverte qui leur avait demandé plus d'un an de préparation en 2011. Du côté de l'aile gauche, on a déjà prévenu que si rien ne bouge d'ici le printemps 2016, sera exigée l'application des statuts du PS : «Au moins un an avant la présidentielle, le conseil national fixe le calendrier et les modalités d'organisation des primaires». «Plus c'est tard, plus c'est compliqué», admet Borgel pour qui «la rentrée scolaire 2016» peut servir de limite. N'est-ce pas trop tard quand, à droite, on s'y est pris plus d'un à l'avance pour une primaire en novembre ? «Ce sera plus difficile car nous n'avons plus autant de mairies que la dernière fois, poursuit un dirigeant PS. Mais nous avons tous les points de vote, l'expérience de la fois précédente.» La direction a scruté le calendrier 2016 : si trois mois sont nécessaires à son organisation express, une primaire de toute la gauche pourrait avoir lieu en janvier ou février 2017. Trop tard ? Un ténor du PS fait appel à la mémoire des socialistes : «Jospin était parti tard.» En 1995 (avec une primaire interne) et en 2002 (sans primaire), il s'était lancé en février. Mais, contrairement à Hollande, les socialistes ne doutaient pas de lui.

L'agenda

Octobre 2015 : Être le champion de la baisse d’impôts

C'est le challenge de cette rentrée : François Hollande veut effacer le «ras-le-bol fiscal» des premières années de son quinquennat et prouver aux Français qu'il a tenu sa promesse de «redistribution». Cette année, 9,3 millions de contribuables vont voir leur feuille d'impôts sur le revenu s'alléger. Et pour 2016, le chef de l'Etat a promis de nouvelles baisses, qu'il devrait détailler ce lundi.

Novembre 2015 : Réformer le code du travail

Pour fignoler son costume de «réformateur» qu'il espère arborer pour l'élection présidentielle, François Hollande veut s'attaquer à un Everest politique : une réforme du code du travail. Pas facile sans mettre le bazar à gauche et chez les syndicats. Plus de libertés pour les entreprises, plus de sécurité pour le salarié : le chef de l'Etat veut montrer à la droite qu'il a réussi là où elle n'a pas tenté.

Décembre 2015 : Réussir la COP 21 et ne pas perdre l’Ile-de-France

Beaucoup de 2017 se jouera ce mois-là. D’abord, le chef de l’Etat compte endosser ses habits verts et obtenir, à Paris, un accord historique sur le climat. Une performance diplomatique qui a également vocation à séduire l’électorat écologiste. Ensuite, François Hollande espère limiter les dégâts aux régionales (les 6 et 13 décembre). Si le Parti socialiste pense pouvoir garder au moins trois régions, la perte de l’Ile-de-France assombrirait les perspectives pour 2017.

Janvier 2016 : Afficher une majorité élargie

La défaite attendue aux élections régionales de décembre aura eu pour conséquence de faire revoir le dispositif gouvernemental. Si, en gardant Manuel Valls à Matignon, le chef de l'Etat n'a pas choisi de «changer de cap», il devrait remanier son équipe en y faisant entrer quelques écologistes en rupture avec Europe Ecologie - les Verts et des proches de Martine Aubry.

Février 2016 : Révéler Une initiative européenne

Le chef de l’Etat pourrait profiter de sa conférence de presse semestrielle pour révéler une initiative européenne d’ampleur. Hollande réfléchit depuis plusieurs mois à son projet de Parlement de la zone euro, composé d’eurodéputés et de députés nationaux. L’objectif étant de faire oublier le faux pas du début de son quinquennat : avoir fait croire à son camp qu’il allait renégocier le traité budgétaire.

Mars 2016 : Porter une réforme de gauche ?

Et si François Hollande colorait de gauche la fin de son quinquennat ? Dans cette dernière ligne droite parlementaire, le Président pourra s’appuyer sur plusieurs projets de loi. Celui porté par Christiane Taubira sur la «justice des mineurs» ou bien celui «pour l’égalité et contre les discriminations». La proposition du patron du PS, Jean-Christophe Cambadélis, d’organiser à Paris une conférence internationale sur les réfugiés pourrait aussi l’intéresser.

Avril 2016 : Contenir l’aile gauche qui réclame une primaire

Nous sommes à un an jour pour jour du premier tour de l'élection présidentielle… et le chômage n'a toujours pas baissé de façon «crédible». L'aile gauche du Parti socialiste dénonce toujours les mauvais choix du gouvernement et brandit les statuts du PS. Ils réclament à leur premier secrétaire l'organisation d'une «primaire citoyenne». François Hollande laisse à Jean-Christophe Cambadélis le soin de calmer l'impatience.

Mai 2016 : Ah, si le chômage pouvait baisser…

L’été approche. Si la baisse du chômage se confirme, le chef de l’Etat pourra finir la saison beaucoup plus libre et préparer - déjà - sa future candidature à l’élection présidentielle. Si la courbe du nombre de demandeurs d’emploi ne s’est toujours pas inversée, il faudra que François Hollande fasse patienter sa majorité encore quelques mois. Au risque d’affaiblir son camp.

Juin 2016 : Convaincre Duflot de ne pas y aller

Europe Ecologie - les Verts ne désarme pas. Le parti compte présenter un candidat en 2017. Cécile Duflot apparaît comme la mieux placée pour remporter leur primaire. Mais François Hollande sait que les quelques centaines de milliers de voix qu’elle pourrait réunir au premier tour risque de lui être fatal. Le Président pourrait alors négocier le retrait de la patronne des Verts contre un programme ultra écolo.

Juillet 2016 : Espérer une victoire des Bleus à l’Euro 2016

Le président de la République s’en est ouvert devant quelques journalistes : une victoire des Bleus à l’Euro 2016 organisé en France ne peut être qu’un plus pour sa cote de popularité. Et un pays qui gagne, c’est un peuple qui reprend confiance et donc une économie qui repart… Comme l’Allemagne et sa Coupe du monde en 2006, Hollande verrait bien le «boom économique» du pays se manifester à cette occasion-là.

Août 2016 : Poser avec Julie Gayet et reprendre le régime

Et s'il osait ? Pour le dernier été de ce quinquennat, François Hollande pourrait être tenté de jouer la carte people et de poser en couverture de Paris Match avec Julie Gayet. Et puisqu'il a décidé de se lancer dans la course à sa propre succession, il se (re)met au régime. De son lieu de villégiature, Hollande s'attaque par ailleurs aux derniers arbitrages du budget 2017 et de la nouvelle baisse d'impôts qui l'accompagne.

Septembre 2016 : Que Sarkozy écrase Juppé

Les candidats LR se démènent dans leur primaire ouverte. Hollande n’a qu’un objectif : voir Sarkozy l’emporter en novembre. Si c’est Juppé, l’espace au centre sera occupé. Le chef de l’Etat a donc fait passer le message : tout faire pour que le débat de la primaire tourne autour de Sarkozy. Si le chômage est enfin parti à la baisse, il pourra laisser fuiter : cette fois, c’est sûr, il y va.