Partir à la conquête du centre ou raccommoder la gauche ? Voilà posées sur la table les deux options stratégiques de François Hollande pour l’année à venir. Celles-ci se doublent d’une bataille d’influence au sein de l’exécutif : entre, d’une part, les partisans de l’affirmation du cap social-libéral au nom de la cohérence de la politique suivie depuis trois ans et, d’autre part, les défenseurs, non pas d’un virage, mais de la réaffirmation des valeurs de la gauche autour de quelques mesures emblématiques pour ressouder une majorité en processus de décomposition avancée.
Les premiers sont vallsistes ou se revendiquent du Pôle des réformateurs, l’aile droite du PS. Les seconds sont plus volontiers des hollandais historiques. Mais tous partent de la même grille d’analyse : la présidentielle de 2017 se jouera au premier tour entre trois blocs, le candidat Front national, celui du parti Les Républicains et celui du PS (chacun évoluant dans une fourchette assez large, comprise entre 20 % et 30 %). C’est dire si chaque voix gagnée au premier tour vaudra très cher. La question reste donc de savoir où aller les chercher : plutôt au centre ou d’abord à gauche ?
Grille. Les partisans de la deuxième option avancent des arguments d'ordre idéologiques, mais aussi tactiques. «Le social libéralisme n'est pas l'avenir de la gauche, confie un ministre, dans la ligne hollandaise. Il faut renouer avec des fondamentaux pour renouer avec des gens qui nous ont fait confiance.» «On est entré dans le moment où il faut envoyer des signaux clairs à la gauche», confirme un très proche du chef de l'Etat. C'est grosso modo la ligne de tous les hollandais historiques : on ne gagnera que si on est capable de rassembler largement et en priorité le camp de la majorité. Pour eux, impossible de s'affranchir de la grille gauche-droite qui structure la vie politique française.
Mais, alors, que faire quand la couleur très sociale libérale de la politique économique du gouvernement sème le trouble dans une partie de l'électorat de gauche? «J'ai toujours pensé qu'il y aurait un deuxième moment du quinquennat, où François chercherait à rassurer et à rassembler son camp, dit un collaborateur du chef de l'Etat. Il sait très bien faire ce genre de mouvement, avec une vraie science du timing.» Une façon de dire que ce moment n'est pas encore arrivé mais qu'il viendra à coup sûr. Un ministre hollandais détaille la feuille de route qui attend le chef de l'Etat : «Il y a trois gauches qu'il nous faut rassembler le plus tôt possible : la gauche environnementale, la gauche morale et enfin la gauche progressiste.» Chaque gauche a donc une petite victoire en préparation, selon le même ministre. La première devrait pouvoir compter sur un accord dans la lutte contre le réchauffement climatique lors de la COP 21. La deuxième sur une gestion un peu plus humaine des réfugiés et sur une lutte efficace contre la fraude fiscale et la corruption. Et la troisième sur la mise en place du compte personnel d'activité.
«Deuil». Les défenseurs d'un cap au centre, font une analyse diamétralement opposée de la future donne électorale. D'abord, il n'y aurait rien à attendre et à espérer au premier tour de la gauche radicale. Elle aura son candidat et fera campagne contre Hollande. Même chose pour les écologistes. Un ministre, acquis à ce scénario, confie : «Hollande est en train de faire son deuil de Cécile Duflot.» L'espace est donc au centre, puisque la droite, en tout cas Nicolas Sarkozy, est bien décidé à aller faire campagne sur des thèmes labourés par le FN. C'est la fameuse bataille que tente de théoriser, Jean-Christophe Cambadélis, le premier secrétaire du PS, entre un «bloc réactionnaire» et le «camp des progressistes». «Puisqu'au deuxième tour, il faudra bien convaincre des électeurs de droite de voter pour nous, il faut commencer à leur parler dès maintenant», justifie le même ministre, qui ajoute immédiatement un codicille à cette stratégie : «Si Alain Juppé devient le candidat de la droite, alors on ne sait pas faire. On sera entièrement marginalisés.»
Fidèle à sa nature, Hollande laisse dire et ne ferme aucune porte. Il considère que ce débat est prématuré. «Pour retrouver une parole crédible, il a d'abord besoin que le chômage baisse», confie un ses proches. En attendant, il creuse le même sillon libéral, comme s'il avait fait un trait sur la possibilité de rassembler sa majorité. Après la politique de baisse des charges pour les entreprises, il s'attaque à la réforme du code de travail, totem pour une partie de la gauche (lire page suivante). Avec le risque de créer les conditions de l'irréparable : fracturer définitivement sa majorité.