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Libération

Aylan en écolier : «C'est un dessin poétique, symbolique»

Le dessinateur Emmanuel Chaunu, qui a publié l'illustration sur son compte Facebook, a été surpris par les réactions sur Internet.
(Illustration Emmanuel Chaunu)
publié le 8 septembre 2015 à 18h35

Sur ce dessin, Aylan a un cartable sur le dos. On reconnaît la position du petit garçon dont la photo a fait le tour du monde, allongé sur la plage. Au-dessus, on peut lire : «C'est la rentrée.»

Alors que de nombreux dessinateurs lui ont rendu hommage, ce dessin-là a suscité des réactions outrées et parfois violentes sur les réseaux sociaux (relayés ici dans leur forme originelle). «Charlie Hebdo jcrois que la mort ne vous fait pas peur vous voulez que d'autres malade comme les kouachi reviennent», écrit un utilisateur de Twitter, relayé plus de 1 000 fois. «Qu'ils viennent meme pas se plaindre d'un autre attentat sur charlie hebdo jsuis desole mais la ya des limites», écrit un autre. «Dite moi seulement que c'est du fake ? il sont vraiment sérieux #CharlieHebdo personne dit rien ?» «Charlie Hebdo ils cherchent vraiment à se faire fusiller une deuxième fois», lit-on encore.

Or, comme le rappellent alors aussi de nombreux internautes, ce dessin n'a pas été publié par Charlie Hebdo. C'est le dessinateur de presse Emmanuel Chaunu qui l'a publié sur son compte Facebook le 3 septembre, jour où la photo d'Aylan s'est affichée dans la presse mondiale. Il a ensuite été publié dans le journal l'Union.  Le dessinateur, qui travaille aussi pour Ouest-France, a été surpris par ces réactions. «Ce qui m'a frappé, c'est le traitement un peu marronnier des télés de la rentrée, explique-t-il à Libération. On va filmer dans la famille, etc. Et à côté de ça, il y a cette photo. Esthétiquement, elle est très belle, et, malheureusement ou heureusement, elle n'est pas gore. Je me suis dit que j'allais comprimer les deux.» Un dessin féroce, pour montrer que cet enfant n'a pas eu la même chance que d'autres. «Que cet enfant, c'est le nôtre. C'est un dessin poétique, symbolique», ajoute-t-il.

«C'est intéressant de voir qu'on déclenche des réactions autour d'une caricature comme celle-ci. » Lui qui utilise en général plutôt la couleur, se dit «modéré» dans ses dessins, avait déjà choisi la sobriété du noir et blanc au lendemain du 7 janvier.

«Le 7 janvier a laissé des traces, et pas forcément dans la défense des dessinateurs. Les réactions sont beaucoup plus passionnelles depuis ces événements, les gens commentent sans aucune analyse de l'image. J'ai déjà fait des dessins un peu difficiles, mais cette photo, les gens se la sont appropriée.» Huit mois après l'attentat de Charlie Hebdo, le petit Aylan serait donc, pour ceux qui pensent que le dessinateur est allé trop loin, une limite à ne pas franchir pour la liberté d'expression. «Les messages hostiles ne sont pas des messages issus d'une communauté particulière, note-t-il aussi. Tout le monde n'est pas Charlie.»

Ce week-end auront lieu les 5Rencontres internationales des dessinateurs de presse à Caen, dont Chaunu est l'un des organisateurs. Les premières depuis les attentats. Pas de doute qu'il y aura des choses à dire.