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Analyse

Députés : la plus-value immobilière aux frais des contribuables

Utilisant leurs frais de mandats pour acheter de l'immobilier, certains députés ont ensuite récupéré le fruit de la vente. Une association a enquêté sur ces pratiques.
A l'Assemblée nationale, en juillet 2012. (Pierre Verdy. AFP)
publié le 10 septembre 2015 à 15h22

L'association pour une démocratie directe, qui avait mené la bataille pour la transparence de la réserve parlementaire, s'attaque à un autre aspect flou du financement de la vie parlementaire. Elle publie un rapport qui se penche sur l'utilisation des frais de mandats par les députés pour leur enrichissement personnel.

Objet d'une enquête de l'émission Pièces à conviction sur France 3, deux aspects ont été développés par l'association dans un nouveau rapport : les frais de représentation utilisés par les députés pour acheter des bâtiments à leur compte et les prêts consentis par l'Assemblée nationale à des taux très avantageux.

Chose à savoir : chaque député perçoit, en plus de son salaire, des indemnités de frais de mandats (IRFM) pour financer les collaborateurs, les déplacements et autres nécessités inhérentes à leur fonction.

Certains députés utilisent cette IRFM pour financer l'achat d'une permanence ou même d'un logement. Pièce à convictions cite ainsi l'exemple de Christophe Priou, député LR de Loire-Atlantique. Lors de sa première élection, il a acheté une permanence, nantie d'un logement au premier étage, entièrement financé par un prêt de l'Assemblée nationale. Il a remboursé ces traites avec ses indemnités de frais de mandats. En 2011, il revend cette permanence et met les 165 000 euros dans sa poche.

Rien de choquant pour ce député. «Il faut que les choses soient claires : soit c'était permis, et même on pouvait bénéficier de crédits parlementaires, soit ça ne l'était pas. Aujourd'hui, ce n'est plus possible, dont acte», argumente Priou devant les caméras de France 3. En effet, en février, conscient du problème, le bureau de l'Assemblée nationale interdit la pratique, sans rétroaction. Est «désormais interdite aussi l'imputation sur l'IRFM de toute dépense afférente à une nouvelle acquisition de biens immobiliers, qu'ils soient destinés à héberger la permanence ou à tout autre usage», note le compte rendu d'une réunion du bureau de l'Assemblée.

En travaillant à partir de documents publics (notamment les extraits cadastraux), l'Association pour une démocratie directe a pu se pencher sur les propriétaires des permanences parlementaires. Selon ses calculs, 24 % des 306 députés étudiés sont propriétaires de ces permanences, sans qu'il soit possible de savoir s'ils ont utilisé leurs frais de mandat pour rembourser les traites. Selon cette même analyse, 10,6 % des députés ont acheté leur permanence grâce à un prêt de l'Assemblée nationale. Et 17,3 % ont acheté leur résidence en circonscription.

Toujours selon le relevé de l’association, 83 permanences sont utilisées par les sections locales des partis politiques, avec le risque argent public et financement de la vie politique, pourtant très encadré. L’utilisation de l’IRFM n’étant pas publique, rien ne permet de savoir si celle-ci participe directement ou indirectement au financement des partis.

L'association conclut son rapport par des recommandations, telles que la transparence de l'IRFM, l'arrêt des prêts immobiliers de l'Assemblée nationale, y compris ceux qui sont en cours, ou encore la restitution des sommes perçues par les dispositifs évoqués plus hauts. L'association ayant récemment été agréée par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, gageons que les députés concernés seront prochainement approchés.