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Libération
Récit

Des réfugiés syriens risquent d'être expulsés d'un immeuble toulousain

Cinq familles sur une quarantaine originaires de Homs squattant un bâtiment vide ont été convoquées vendredi devant le tribunal, à l'heure où Bernard Cazeneuve reçoit des maires pour organiser l'accueil des exilés.
Des membres de l'association Droit au logement (DAL) manifestent en septembre à Toulouse pour dénoncer la possible expulsion des réfugiés syriens d'un immeuble. (Photo Rémi Gabalda. AFP)
publié le 11 septembre 2015 à 18h04

Depuis le mois de juin, une quarantaine de familles de réfugiés syriens originaires de Homs (Syrie) occupent les appartements vides d’un immeuble du quartier des Izards à Toulouse. Ils squattent la quasi-totalité d’une barre vouée à la démolition dans ce secteur classé en zone de sécurité prioritaire (ZSP).

A la demande d’Habitat Toulouse, l’office HLM de la mairie de Toulouse (LR) propriétaire du bâtiment occupé, cinq de ces familles étaient convoquées devant le tribunal d'instance ce vendredi. Aucune ne s’est présentée à l’audience, qui a été reportée au 9 octobre.

Un collectif d'avocats du barreau de Toulouse a pris leur défense. Comme ses confrères, Julien Brel demande l'annulation «pure et simple» d'une procédure jugée «scandaleuse». «C'est à l'Etat d'assurer l'hébergement de ces réfugiés. En ne le faisant pas, il n'assume pas ses obligations», a-t-il argumenté. Dans le courant du mois de juin, les représentants de la préfecture s'étaient pourtant déplacés au pied de la barre d'immeuble des Izards pour recenser les réfugiés syriens.

La veille de sa convocation devant la justice administrative, Abdelkader, 45 ans, père de quatre enfants, dont une petite fille handicapée, avait raconté à Libération son périple depuis la Syrie jusqu'à Toulouse. Comme la plupart de ces voisins du squat des Izards, ce commerçant sunnite aisé a quitté Homs en 2011 lors de la sanglante répression contre les manifestations pacifiques menée par l'armée du régime de Bachar al-Assad. «La famille de l'un de mes amis a été entièrement exécutée pour la simple raison que l'un de leurs fils avait participé aux manifestations», livre-t-il le regard cerné, fumant cigarettes sur cigarettes.

Colis alimentaires, matelas, frigidaires, vaisselle

Terrorisés, Abdelkader et sa famille fuient du jour au lendemain au Liban. Deux mois plus tard, l’armée syrienne bombarde Homs et le pays sombre dans la guerre civile. Abdelkader décide d’émigrer en Egypte, où la vie est moins chère qu’au Liban. Un an s’écoule et le coup d’Etat du général Al-Sissi contre le régime des Frères musulmans les oblige de nouveau à fuir. Direction l’Algérie, puis le Maroc, où ils vivent plusieurs mois à l’hôtel. La famille décide de passer en Europe. Abdelkader donne 5 000 euros à un réseau de passeurs pour le voyage de sa famille à Ceuta, en Espagne, où ils font une demande d’asile. Mais Madrid ne leur fournit aucun hébergement ni aide matérielle. Après onze mois passés dans un appartement de la banlieue de la capitale espagnole, Abdelkader part en France, direction Toulouse, où des compatriotes lui ont indiqué le squat des Izards.

Abdelkader s'installe avec eux dans l'un des appartements vides de la cité toulousaine. Les habitants de ce quartier populaire ne les rejettent pas. Un collectif de militants s'organise pour leur apporter de l'aide. Colis alimentaires, matelas, frigidaires, vaisselle. La fille handicapée d'Abdelkader bénéficie d'une couverture médicale. Depuis la publication de la photo de l'enfant syrien mort sur une plage de Turquie, les collectivités se mobilisent. La Croix-Rouge livre des vivres. L'académie recense les enfants syriens du squat pour les scolariser. «Pour la première fois» depuis cinq ans, Abelkader peut enfin se poser. Il veut désormais demander l'asile en France. L'accord de Dublin entre les Etats européens lui impose cependant de retourner en Espagne, pays où il a fait sa première demande. Interrogée par Libération, la préfecture étudie chaque cas et n'envisage pas d'expulsion du territoire dans l'immédiat.