Rien ne semble pouvoir les ébranler. Aucun sondage ni aucune affaire judiciaire. A la fin, pour eux, c'est forcément «Nicolas» qui gagne. La primaire d'abord, en novembre 2016, et la présidentielle, six mois plus tard. Ces inconditionnels, militants ou sympathisants (lire ci-contre) forment le précieux «noyau dur» dont l'ancien chef de l'Etat prétend faire son arme fatale. Tous les visiteurs qui défilent dans son bureau, rue de Vaugirard, ont droit à la même démonstration : «Je gagnerai parce que j'ai le noyau dur.»
Ses concurrents, Juppé en tête, peuvent toujours se pâmer devant des sondages flatteurs. Les «commentateurs» peuvent s'amuser à entretenir le suspense en faisant de Juppé leur favori. Les sarkozystes s'en contrefichent. La victoire ne peut pas leur échapper. Grâce à ce fameux «noyau dur», censé finir par atteindre jusqu'aux plus modérés, par «ricochets», le chef du parti Les Républicains (LR) serait dans la position du coureur de fond qui partirait avec un tour d'avance. Impossible de le rattraper, même si on veut bien admettre, dans l'entourage de l'ex-président, que Juppé peut espérer faire un score honorable. Ce tour d'avance, ce sont les adhérents de LR qui le garantissent. Ils sont aujourd'hui moins de 200 000, Sarkozy se fait fort de doubler ce nombre d'ici 2017. A droite, chacun l'a bien compris. Le parti sera sa machine de guerre. L'obsession de Sarkozy, d'ici là, est de s'assurer que cette «armée de militants» lui est totalement acquise. Il surveille, comme le lait sur le feu, le rythme des adhésions et ne néglige aucun détail dans les nominations. A la tête de la fédération de Paris, il a placé son bras droit, Frédéric Péchenard, ex-patron de la police nationale. Dans la puissante fédération des Alpes-Maritimes, confiée à Eric Ciotti, il a pris soin de «traiter» le cas Michèle Tabarot, en nommant la copéiste conseillère politique de LR.
Ce samedi, au Touquet (Pas-de-Calais), le campus des Jeunes Républicains sera un cri de ferveur sarkozyste. Ni Alain Juppé ni François Fillon n’ont jugé utile de faire acte de présence, au risque de récolter, une fois encore, quelques sifflets. Quant à Bruno Le Maire, il sera dans les Landes, où il réunit ses cadres de campagne. En dehors des personnalités locales, notamment Xavier Bertrand, candidat LR à la présidence de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, tous les responsables nationaux présents au Touquet ont vocation à soutenir Sarkozy à la primaire. Y compris le discret mais habile François Baroin, dont la présence sera célébrée comme une preuve d’unité.
«L’autre eunuque de Fillon»
Pour entretenir ses apôtres dans la légende de son invincibilité, l'ex-président se livre à une sorte de fanfaronnade permanente. La plupart des cadres du parti sortent remontés à bloc des réunions qu'il convoque les mardis et mercredis au siège du parti. Le député du Rhône Philippe Cochet, délégué national chargé des fédérations, est intarissable : «J'ai rarement vu une telle capacité à mobiliser les équipes. Il a le sens du collectif, une vraie vision : il ne voit pas seulement demain, mais dans les vingt ou trente ans à venir. Il a du flair. Et la baraka. Il est profondément humain, avec un vrai cœur, une vraie empathie. Il fait partie de ces personnalités d'exception dont notre pays a besoin.»
Avec plus ou moins d'impudeur, Sarkozy célèbre lui-même ses qualités de leader et son incomparable virilité. En privé, il ironise sur «papy Juppé» et «l'autre eunuque de Fillon», comme le rapporte cette semaine le Canard enchaîné. Pour affirmer sa supériorité dans l'ordre des espèces politiques, il raffole des métaphores animales. Dès l'automne 2012, il comparait les candidats à sa succession (Fillon et Copé) à des «loups oméga qui n'ont pas suffisamment d'ascendant sur la meute après le départ du loup alpha». Un an plus tard, lors d'une conférence devant des hommes d'affaires à Londres, il poursuivait dans le même registre : «Aujourd'hui, je peux vous dire que les tigres ne deviennent jamais végétariens.» A l'été 2014, ses apôtres s'en sont donné à cœur joie : l'homme providentiel revenait «par devoir» et dès qu'il aurait posé le pied sur le terrain politique, il s'imposerait par la force de ses propositions et par son inépuisable énergie. Subjugués, les barons de l'UMP se précipiteraient à ses pieds pour lui offrir le brassard de capitaine. Les choses ne se sont pas passées ainsi ? Qu'importe. La fanfaronnade continue. «Je fais vendre», constate Sarkozy quand il passe à la télé ou quand Paris Match enregistre, cet été, de très bonnes ventes avec le numéro qui le montrait enlaçant Carla Bruni dans les eaux tièdes d'une plage corse. Qu'importe si certaines prestations télévisées ont connu des audiences médiocres. Les mauvais signaux sont minorés ou passés sous silence. Surtout, ne pas désespérer le noyau dur…
«Juppé, c’est une mode»
Cette semaine, l'enquête Ipsos pour le Point a de quoi inquiéter. Parmi les sondés qui se disent «certains» de voter à la primaire, Juppé l'emporte au premier tour (40 % contre 34 %) et plus encore au second tour (56 % contre 44 %). Brice Hortefeux, quarante ans de sarkozysme au compteur, ironise sur les médias qui veulent «absolument faire monter» le maire de Bordeaux. «Juppé, c'est une mode. Et comme disait Coco Chanel, la mode, c'est ce qui se démode», ajoute l'eurodéputé qui se dit bien placé, en sa qualité d'ex-Balladurien, pour affirmer que «ce qui compte, c'est d'être le vainqueur, pas le favori». Geoffroy Didier, animateur de la Droite forte, courant ultrasarkozyste de l'ex-UMP, ne croit «pas un instant» à la victoire de Juppé qui, selon lui, n'a «pas de réacteur» : «Le noyau dur ira toujours plus voter que le noyau mou. Il y a d'un côté les sondages et les ambiances, et de l'autre les vrais choix politiques. Pour s'envoler, il faut un réacteur. Sans militants mobilisés, on ne décolle pas.»
Les chiffres d'Ipsos font «rigoler» Valérie Debord, élue de Nancy et secrétaire nationale adjointe de LR : «On sait bien que tous les sondages vont nous être défavorables. Mais ils ne veulent rien dire puisqu'ils ne prennent pas en compte la surmobilisation des militants.» Selon elle, les militants voient en Sarkozy le garant de l'unité : «Plus il persévère dans cette voie, plus il est aimé. Il travaille énormément et s'entretient régulièrement avec tous les dirigeants de la planète. Je le trouve très affûté, plein d'envie. Et le parti tourne. Dans le Doubs, samedi dernier, on a eu 59 adhésions directes après son meeting.» Sarkozy en veut 500 000. C'est un début.
«J’ai apprécié son action pendant son mandat»
Jean-Baptiste Monin (35 ans). Chef d’une entreprise dans la formation professionnelle à Lyon.
«Mon soutien est indéfectible. Je l’ai découvert en 2004 et j’ai commencé à vraiment le soutenir en 2006. Je suis séduit par le pragmatisme de son discours, son côté accessible, une certaine forme de bon sens que je ne retrouvais plus chez les autres personnages politiques. J’ai apprécié son action pendant son mandat et je regrette son départ. Compte tenu des promesses faites, il a un très bon bilan : la crise de 2008 traversée avec le minimum de casse possible, son action sur la sécurité, son soutien apporté aux forces de l’ordre. Les «affaires» me confortent dans mon soutien : j’observe qu’il y en a beaucoup, mais que lorsqu’elles parviennent à leur terme, elles aboutissent à des non-lieux, ça fait pschitt. Pour moi, ce sont des manœuvres politico-politiciennes plutôt que de vraies affaires. Et quand on fait confiance à quelqu’un, il faut aussi savoir l’accompagner dans les moments difficiles.
«Ses propositions sont très en phase avec les besoins de la nation : il apporte des réponses immédiates à cette économie qui ne va pas très bien, à la question des migrants. Il faut trouver des solutions durables pour les pays en guerre ou en difficulté économique, et c’est ce que propose Nicolas Sarkozy.»
«Si ces affaires étaient vraies, il serait déjà en prison, non ?»
Anthony Malvault, 26 ans. Professeur de taekwondo dans les Alpes-Maritimes.
«Nicolas Sarkozy est le seul homme qui a la carrure, le charisme et la prestance d’un chef d’Etat. Il est le seul capable de redresser le pays. Je ne vois pas qui d’autre pourrait représenter une France comme la nôtre, une France qui souffre et qui a besoin de renouveau. Il a les qualités naturelles pour redorer le pays.
«Avant la présidentielle de 2017, il faudra passer par une primaire. Avant tout, je soutiens Christian Estrosi parce qu’il est un bon maire pour Nice. Mais Nicolas Sarkozy sortira largement vainqueur. Seul Alain Juppé est un concurrent sérieux, mais, pour l’électorat de droite dont je fais partie, il est trop au centre. Il se veut rassembleur, mais j’ai du mal à discerner ses opinions. Au moins, Nicolas Sarkozy sait où il va.
«Et puis il ne faut pas oublier que Juppé a un passé douteux. Certes, Nicolas Sarkozy a lui aussi subi pas mal d’attaques. Mais, qui n’a pas de casseroles ? En France, il y a une justice et je fais confiance à cette justice. Pour l’instant, il n’est pas derrière les barreaux, alors je continue à croire en lui. Si ces affaires étaient vraies, il serait déjà en prison, non ? En tout cas, si dans le futur cela était avéré et qu’il était condamné, il baisserait dans mon estime. Pour l’instant, ce n’est pas le cas ! Sarkozy, moi, j’y crois.»
«Il a un charisme naturel, c’est une évidence»
Robert Fontebasso (46 ans). Employé administratif à Nice, militant Les Républicains.
«Je soutiens totalement Nicolas Sarkozy. Pour 2017, je crois en l’alternance parce qu’il est fort de son expérience de président de la République.
«Je lui tire mon chapeau pour sa gestion de la crise de 2007-2008. Il a fait ce qu’il fallait faire. Sa politique pour nous sortir de cette mauvaise passe m’a fortement plu. En cinq ans à la tête de l’Etat, il s’est montré fort, réactif et dynamique. Il a fait le tour de l’Europe et du monde pour trouver des solutions. Nicolas Sarkozy s’en est donné les moyens.
«Dans le bilan de son quinquennat, je retiens également deux autres mesures : la défiscalisation des heures supplémentaires et son idée de créer l’Union pour la Méditerranée, ce partenariat pour favoriser l’intégration et les échanges entre les pays du bassin méditerranéen. Surtout, c’est Nicolas Sarkozy qui a fait renaître l’UMP, qui a changé le nom de notre parti. Aujourd’hui, il a pris la présidence de LR. Il a su apporter du renouveau. Nicolas Sarkozy tire les forces vers le haut et rassemble autour de lui. C’est incontestablement un leader. Il a un charisme naturel, c’est une évidence.
«Malgré sa défaite en 2012 et l’annonce de son départ, il est toujours là. Et beaucoup à droite sont prêts à le suivre. Ce retour, c’est le sursaut de quelqu’un qui souhaite s’emparer de l’avenir de la France pour la redresser.
«Ses ennuis judiciaires ? Il y a toujours la présomption d’innocence. Il faut la respecter. Je m’en tiens à la justice et je fais confiance à la régularité de Nicolas Sarkozy. Aujourd’hui, il n’est pas condamné alors ce n’est pas à prendre en compte dans le débat.»