Sur la culture politique de la gauche, la crise agit comme un acide. Désespérant de voir la courbe du chômage s’inverser, le gouvernement ajoute à sa potion une dose croissante de libéralisme, dans l’espoir d’amadouer les entreprises et de favoriser une reprise de l’activité. Suivi avec peu d’enthousiasme par son électorat traditionnel, quelque peu désorienté, il accentue la fracture qui le sépare de la gauche de la gauche, laquelle rejette tout assouplissement du code du travail et refuse toute remise en cause des 35 heures. Mais cette division n’est pas seulement l’effet de la politique Valls-Hollande. L’idée d’une réforme des règles d’indemnisation du chômage pour les rendre plus contraignantes et éviter toute forme d’«assistanat» gagne sans cesse du terrain à gauche, cette fois jusqu’au cœur de l’électorat Front de gauche. Tout se passe comme si une grande partie des salariés et des ouvriers était désormais prête à faire la part du feu pour contenir le fléau principal de la société française. Avec ce paradoxe un peu grinçant : ils sont prêts à réclamer les efforts principaux aux chômeurs eux-mêmes, mais se cabrent dès qu’il s’agit de réduire les protections des salariés en place. Autant que les mésaventures du socialisme de gouvernement, ce paysage en pleine évolution explique la défaveur qui frappe la gauche dans son ensemble. La culture politique progressiste recule dans l’opinion comme dans le monde intellectuel. C’est parce qu’elle change trop, disent les uns, pas assez, disent les autres. Ce schisme menace désormais l’existence même de la gauche en France.
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