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Libération
Vu de l'Assemblée

Syrie : le débat dévie sur l'envoi des troupes au sol

Si certains députés de droite préconisent cette option dans une cadre international, Valls l'a de nouveau écartée. Mais à l'Assemblée, il a promis que la France soutiendrai une éventuelle «coalition des pays de la région».
Manuel Valls à l'Assemblée nationale, ce mardi (Photo Eric Feferberg. AFP)
publié le 15 septembre 2015 à 19h41

Faut-il envoyer des troupes occidentales en Syrie? Si les députés s’exprimaient ce mardi, sur les frappes aériennes françaises en Syrie - une discussion pour la forme, sans vote -, c’est cette option d’une intervention terrestre qui a surtout fait débat.

Une partie de la droite, qui juge insuffisante un engagement limité à l'aviation, met la pression sur l'exécutif. Chez Les Républicains, Bruno Le Maire, qui s'est attardé salle des Quatre-Colonnes avec la presse, est en pointe sur cette ligne. Le député de l'Eure appelle à «assumer que la menace de Daech est dangereuse et réelle et qu'il faut l'éliminer» En fait, les responsables LR sont eux-mêmes partagés, un député comme Pierre Lellouche jugeant que l'intervention de «forces occidentales» en Syrie serait «une folie».

On ne trouve évidemment personne pour imaginer la France ou même l'Europe en première ligne. Même Le Maire, favorable à l'envoi d'«un nombre limité» de Français - et pas dans l'immédiat mais dans quelques mois - voudrait voir Paris «prendre la tête de l'initiative mais pas de la coalition». Et voit plutôt l'Iran et la Russie «aux premières loges pour jouer un rôle militaire». De même, le député LR Eric Ciotti plaide pour «une coalition plus large incluant la Russie et l'Iran» et plus tard, «si cela s'avère nécessaire», pour le déploiement de troupes françaises. François Fillon prend encore plus de précautions, insistant sur le rôle «d'abord des pays voisins»: «Qui peut penser que la France et l'Europe pourraient supporter un tel effort? Il faut d'abord des armées arabes avec aide de l'Iran et de la Russie et après, le moment venu, avec l'aide de troupes françaises.»

«Piège tendu par les jihadistes»

Au final, on se demande si les positions sont si éloignées entre l'ex-Premier ministre et l'actuel chef de gouvernement. Tout est dans la façon de présenter les choses. Manuel Valls, à la tribune, a assuré que «si une coalition de pays de la région se formait pour aller libérer la Syrie de la tyrannie de Daech, ces pays auraient le soutien de la France». Il a, en revanche, exclu, comme l'avait fait François Hollande la semaine dernière, l'envoi de Français, une option «inconséquente et irréaliste». «La France seule? Nous l'avons fait au Mali, dans des circonstances très différentes. Intervenir avec les Européens ? Mais qui serait prêt à une telle aventure ? Les Américains le veulent-ils ? Non.» Le Premier ministre n'envisage pas d'exposer «des dizaines de milliers d'hommes à un très grand danger». Il met en garde contre un «piège tendu par les jihadistes: nous contraindre à intervenir sur leur terrain pour nous enliser.»

«Au fond, quelle est votre position ?»

Valls en a aussi profité pour renvoyer la droite à ses contradictions, interpellant son président de groupe: «Au fond, quelle est votre position? Celle de M. Juppé qui nous rejoint et qui est raisonnable? Celle de M. Le Maire qui a commencé par demander une intervention au sol, poursuivi immédiatement par M. Xavier Bertrand, qui demandait d'en faire encore un peu plus? Celle de M. Fillon […] Celle de M. Nicolas Sarkozy ? Qui a commencé par demander une intervention au sol, qui a changé d'avis et qui, au-delà des attaques personnelles, rejoint au fond la nécessité d'une intervention diplomatique et surtout de ne pas s'appuyer sur Bachar el-Assad. Laquelle?»

Car cet autre point divise également: faut-il ou non reprendre langue avec le dictateur syrien pour combattre Daech? C'est ce que préconise par  exemple Fillon. Le Maire, lui, est prudent: s'il voit Assad comme un «responsable direct de la propagation de Daech», il appelle à «ne pas faire de son départ un préalable». Mais Valls a totalement rejeté tout «compromis» avec Damas: «Il est une grande part du problème, il ne peut en aucun cas être une solution. Pactiser avec lui serait une faute morale.»