Un peu grossière, mais probablement efficace, la méthode Sarkozy se précise : tout faire pour que ses concurrents apparaissent comme d’indécrottables individualistes, coupés de la base militante et obsédés par leurs ambitions présidentielles. Lui, à l’inverse, serait le champion du «collectif» et le garant de l’unité de la famille.
A l'occasion de la convention sur l'immigration qu'il organisait mercredi au siège du parti Les Républicains (LR), en l'absence de Juppé, Fillon et Le Maire, l'ex-président a annoncé que les militants seraient invités à donner leur avis, par Internet, sur une douzaine de questions touchant à l'immigration. Il s'agit, pour l'essentiel, de valider les propositions développées la semaine dernière par Sarkozy dans un entretien au Figaro : suspension «immédiate» de Schengen et refondation d'un traité fondé sur «une politique migratoire commune», immigration légale limitée par des seuils votés par le Parlement, limitation du regroupement familial, suppression de l'aide médicale d'Etat, etc.
Qu’on se le dise, Sarkozy se serait converti à la démocratie participative ! On peut, sans risque, annoncer que ses propositions sur l’immigration seront massivement approuvées par les adhérents, ultrasarkozystes dans leur écrasante majorité. D’autant que la plupart d’entre elles sont assez consensuelles à droite. Parmi les dirigeants de LR, rares sont ceux qui contestent qu’il faille revisiter Schengen, limiter l’immigration économique ou diminuer l’attractivité sociale du pays.
Dans son élan, Sarkozy n'a pas résisté à la tentation de tendre un piège à Juppé avec une question censée le marginaliser. Les militants sont invités à dire qu'ils veulent des immigrés «assimilés» et non pas seulement intégrés. Là encore, le score brejnévien est garanti. Or, on s'en souvient, Alain Juppé est de ceux qui pensent, comme l'écrivain Tobie Nathan, que l'assimilation est un concept «hérité d'un monde qui n'existe plus». Dans un texte intitulé l'Identité heureuse, le maire de Bordeaux constatait qu'il était devenu illusoire, dans le monde contemporain, de prétendre «effacer les origines». Il faut, selon lui, chercher les voies d'un vivre ensemble respectueux de la diversité. L'homme qui ne veut plus de menus sans porc dans les cantines scolaires est bien décidé à lui faire payer cette imprudence. Mardi prochain, Sarkozy fera approuver par le bureau politique les propositions plébiscitées par les militants. Le tour sera joué : les sarkozystes n'auront plus qu'à proclamer urbi et orbi que ce Juppé est, décidément, bien éloigné des «valeurs» du peuple de droite.