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Libération
Duel

Anne Hidalgo sort les poings

Face à l’attitude du ministre de l’Economie, la maire de Paris porte le débat en place publique et dépose une QPC.
Hidalgo bénéficie du soutien des syndicats. (Photo Marc Chaumeil)
publié le 20 septembre 2015 à 19h36

Sa position

Anne Hidalgo, maire de Paris, est-elle contre l'ouverture des commerces le dimanche ? Pas totalement, pourvu qu'elle soit limitée, contrôlée et compensée pour les salariés. Du Hidalgo pur sucre : pas d'opposition dogmatique, dialogue avant tout et compromis à la fin. Grâce à des amendements «élaborés avec le cabinet de monsieur Macron», la maire pensait être suivie dans sa méthode. Mais, constate-t-elle dans une interview au Parisien, «ils ont été tout simplement rejetés».

Son attitude

Loyale soutien de la gauche gouvernementale, Anne Hidalgo règle généralement ses différends avec l'Etat de façon discrète. Face à l'atypique Macron, changement de ton et direction la place publique. «J'ai été maltraitée», déclare-t-elle au Parisien. Surtout à l'Assemblée nationale. «Dans le débat parlementaire, on n'entendait parler que de quatre ZTI [zones touristiques internationales, ndlr], en gros autour des grands magasins», explique son entourage. Et voilà qu'il en surgit douze.

Ulcérée, Anne Hidalgo refuse de rencontrer le ministre et lui envoie un méchant courrier. «La standardisation des grandes villes monde n'est pas le projet que je porte pour Paris», écrit-elle. Résumé d'une philosophie et rappel, au passage, de sa légitimité tirée du suffrage universel (ce qui n'est pas le cas de Macron).

Ses armes

Comme la maire l'admet elle-même, elle n'a «qu'un avis consultatif» et ne s'attend pas à ce que le ministère en tienne compte. Sur le plan légal, elle va déposer une question prioritaire de constitutionnalité sur les «dimanches du maire». Est-ce bien constitutionnel que Paris soit la seule ville où le préfet les décide à la place de l'édile ? Pour les ZTI, en revanche, il ne lui reste que le débat public. Qu'elle a nourri en envoyant ce courrier mécontent au ministre : «Les zones que vous projetez d'instituer révèlent le fantasme d'une ville entière dédiée au tourisme consumériste».

Ses alliés

Premiers, et pas des moindres : les syndicats. Réunis, à l'exception de la CFDT, dans le Clic-P (Comité de liaison intersyndical du commerce parisien), ils ont multiplié les recours contre les ouvertures nocturnes ou dominicales, et les ont gagnés. L'ouverture définitive étant soumise à des accords de branche conclus après promulgation de loi, les organisations syndicales vont peser. «L'étape contraignante va être celle de ces accords. On n'en est pas encore là», rappelle-t-on dans l'entourage de la maire.

Politiquement, Anne Hidalgo a des alliés dans son camp, et d'abord les écologistes et le Front de gauche. Ou plus étonnant, Michel Sapin, ministre des Finances. Celui-ci aurait écrit à son voisin de bureau Emmanuel Macron qu'on «a toujours intérêt à écouter ceux qui sont sur le terrain». C'est ainsi qu'il a résumé sa pensée sur une radio. Enfin, la maire compte sur les Parisiens. Eux sont les mieux placés pour voir qu'il est grotesque de dessiner une ZTI dans le secteur du centre commercial Italie 2, où l'on ne croise pas un touriste.

Ses craintes

Pour Anne Hidalgo, une ouverture massive du grand commerce le dimanche annonce des problèmes. Sociaux d'abord, car le personnel de ces grands magasins ou de ces chaînes est souvent féminin, banlieusard ou soutien de famille. Techniques ensuite. «Nous avons des questions qui concernent les services de voirie, les transports», rappelle-t-on à la mairie. Sans compter la survie de «la diversité commerciale de Paris» qui fait partie «de l'attractivité de [la ville]».

Ses chances de réussite

Faibles. «On va voir dans dix jours si le ministère a fait évoluer sa cartographie», dit-on au cabinet de la maire. Si l'arrêté fixant les périmètres des ZTI rétrécit ces zones, Anne Hidalgo n'aura pas crié dans le désert.