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Libération
Décryptage

Au tour de Fillon de prôner les statistiques ethniques

L'ancien Premier ministre appelle à «faire sauter» ce «tabou», assurant qu’en matière d’immigration, ses propositions sont «aujourd’hui reprises par Les Républicains».
François Fillon, à La Baule (Loire-Atlantique), le 5 septembre. (Photo JEAN-SEBASTIEN EVRARD. AFP)
publié le 20 septembre 2015 à 16h51

Tiens, la question des statistiques ethniques… ça faisait longtemps. Cette fois, c'est l'ancien Premier ministre, François Fillon, qui remet le sujet sur la table. Dans une interview au Journal du dimanche, Fillon appelle à «faire sauter» le «tabou» des statistiques ethniques. «Si on veut vraiment piloter la politique d'immigration comme je le préconise, permettre au Parlement de fixer chaque année le nombre de personnes que la France peut accueillir, ne pas subir une immigration qui ne viendrait que d'une seule région du monde, qui serait déconnectée de nos besoins économiques et nos possibilités sociales, il faut avoir la possibilité de savoir qui on accueille, ce que ces personnes deviennent, comment elles s'intègrent», déclare-t-il, assurant qu'en matière d'immigration, ses propositions sont «aujourd'hui reprises pour une large part par Les Républicains.»

Quel texte interdit les statistiques ethniques ?

Le fait de collecter des données démographiques fondées sur l'origine ethnique des personnes est interdit en France, en vertu de la Constitution de 1958, qui bannit toute «distinction de race, de religion ou de croyance» entre citoyens. Un principe décliné dans la loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés de 1978, qui interdit la collecte et le traitement de «données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses». Ceci dit, comme le rappelait Libération dans un article paru le 5 février, la loi prévoit des dérogations, notamment pour les travaux de recherche. La Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) étudie au cas par cas les demandes de chercheurs ou sondeurs, en fonction de la finalité de l'étude et de l'institution qui la réalise, du consentement des personnes interrogées et de l'anonymat des données.

Le sujet reste cependant très sensible en France, le Conseil constitutionnel avait notamment censuré en 2007 une mesure contenue dans le projet de loi sur l'immigration de Brice Hortefeux, jugeant «la définition a priori d'un référentiel ethno-racial» contraire à la Constitution.

Autoriser les statistiques ethniques, est-ce une idée de droite ?

Non. Depuis des années, des voix, de gauche comme de droite, s’élèvent régulièrement pour demander que la France évolue sur cette question. Et qu’à l’instar d’autres pays, notamment anglo-saxons, les statistiques ethniques soient autorisées en France.

Pour reprendre quelques sorties politiques récentes : Manuel Valls avait relancé le débat après les attentats de janvier en parlant d'un «apartheid territorial, social et ethnique» plombant les quartiers sensibles. Le Premier ministre s'était dit «prêt à avancer» sur une «réflexion» à ce propos «dans un cadre constitutionnel».

Quelques jours plus tard, la sénatrice écologiste Esther Benbassa appelait à son tour à «regard[er] les choses en face» sur la question des discriminations, prônant «notamment la mise en place de deux cases dans les formulaires de recensement, l'une réclamant le lieu de naissance des parents, l'autre la nationalité antérieure de celui qui n'est pas français de naissance». Objectif : «Poser des diagnostics chiffrés et précis sur des discriminations qui sont le quotidien des banlieues.» Le député Benoist Apparu (LR), proche d'Alain Juppé, s'était également positionné, estimant que le «débat […] mérite d'être ouvert», regrettant toutefois que «dès que vous dites "statistiques ethniques", on vous répond "fasciste, rétrograde"».

En mai, le maire de Béziers, Robert Ménard (extrême droite), avait à son tour relancé le débat, révélant s'être livré - sur la base des prénoms - à un comptage des élèves «musulmans» dans les écoles de Béziers… Une semaine après la polémique, Ménard avait alors adressé un courrier aux députés pour leur demander de «créer les conditions d'un débat parlementaire» afin de déposer une proposition de loi pour «libéraliser les statistiques ethniques».