Tous ceux qui ont réfléchi aux conditions d'épanouissement d'un islam de France en conviennent avec une belle unanimité : la formation des imams (et des aumôniers) qui officient aujourd'hui dans les mosquées françaises est un préalable pour lutter contre la pénétration d'un islam radicalisé, certes encore très minoritaire mais qui gagne du terrain. Or, aujourd'hui, puisqu'il n'y a pas d'enseignement théologique de l'islam en France, la plupart des imams sont formés à l'étranger (principalement au Maroc, en Algérie et en Turquie), dans ces mêmes pays qui participent activement au financement des mosquées sur notre sol. Ce qui explique pourquoi certains d'entre eux ne parlent pas (ou mal) français. Et ignorent presque tout de l'esprit et de la lettre de notre devise républicaine. Samedi, au Maroc, François Hollande et Mohamed VI ont ainsi signé une déclaration commune pour renforcer leur coopération en la matière, afin de promouvoir «un islam du juste milieu» conforme aux «valeurs d'ouverture et de tolérance» mais aussi «pleinement ancré dans les valeurs de la République et de la laïcité».
Une cinquantaine d'imams français pourront suivre chaque année, et pendant trois ans, cette formation à Rabat avant de recevoir un (petit) enseignement civique assuré par la France. Passons vite sur l'étrange signification des mots de cette déclaration (que peut bien vouloir dire un «islam du juste milieu» ?), pour s'arrêter sur ce non-dit hexagonal. Mais pourquoi la France ne serait-elle pas en mesure d'organiser elle-même cette formation théologique ? Après tout, l'Allemagne le fait. Puisque l'objectif est «d'ancrer cette formation dans les valeurs de la République et de la laïcité», pourquoi alors sous-traiter une mission aussi stratégique à des pays, comme le Maroc ou l'Algérie, qui, jusqu'à preuve du contraire, ne sont pas des modèles de valeurs républicaines ? «Le pays n'est pas mûr pour cela», soupire-t-on au sommet de l'Etat.
En clair, ouvrir ce débat, ce serait l’assurance de déclencher un psychodrame national. Peut-être. C’est d’ailleurs pourquoi tout le monde se satisfait de cet accord. La classe politique, gauche et droite confondues, s’en accommode très bien, au nom du sacro-saint principe de laïcité. Les associations du culte musulman, la plupart sous influence étrangère, s’en félicitent. Comme les pays étrangers en question, qui trouvent là le moyen de garder un levier d’influence sur cet islam de France, encore en construction. Il y a parfois des unanimités qui cachent des vraies démissions. Celle-là en est une.