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Libération
Recadrage

Devant le groupe PS, Macron interdit de riposte

Après sa sortie sur le statut des fonctionnaires, le ministre de l'Economie a été recadré et fortement encouragé à mieux maîtriser ses propos afin de ne pas brouiller le message des socialistes.
Emmanuel Macron, quittant l'Elysée le 2 septembre. (Photo Alain Jocard. AFP)
publié le 22 septembre 2015 à 16h05

En ces temps de veille préélectorale, la «liberté de parole» d'Emmanuel Macron connaît de fortes restrictions. Mardi, devant les députés socialistes réunis à huis clos pour leur séminaire de rentrée, le ministre de l'Economie n'a dit mot de la polémique qu'il avait déclenchée vendredi en estimant «inadéquat» le statut de la fonction publique. Lui qui, à l'accoutumée, ne dédaigne pas les digressions, s'en est cette fois tenu à son exposé magistral. Il y fut question de la nécessité de combattre les conservatismes pour pouvoir conjuguer progrès économique et progrès social, de sa volonté d'accroître les libertés pour plus d'égalité, le tout dans un contexte de «réorientation de l'Europe», après la victoire de Tsípras en Grèce. Une intervention saluée par des applaudissements trop timides pour que Macron nourrisse la moindre illusion sur l'état d'esprit de la salle.

«J'avoue mon incompréhension, avait confié le député du Finistère Gwenegan Bui avant de rejoindre ses pairs. Je ne fais pas de la grande politique mais un tel message aux fonctionnaires, ça pollue la rentrée, ce n'est pas bon.» Repoussant les micros, un autre ajoute triple off : «Grâce à Macron, il y a trente-trois fonctionnaires qui sont restés chez eux dimanche à Noisy-le-Grand», où la municipale partielle s'est, à 33 voix près, mal terminée pour la gauche. Un troisième abonde : «Il faudrait envoyer un faux agenda du PS à Macron, parce qu'à chaque fois, il met le souk avec son obsession de pourchasser les travailleurs, les chômeurs, les fonctionnaires… Lancer comme ça des exocet qui créent de la peur, ce n'est pas une bonne méthode politique. Il faut qu'il se taise.»

«Cela fractionne la gauche»

Pourtant, dans le huis clos socialiste, seul le député du Cher, Yann Galut, ose l'attaque frontale : «Ton story-telling, ce n'est pas ce que j'ai vendu à mes électeurs en 2012. Sur le terrain on n'en voit pas les résultats. Dans ma circonscription, on a plus de chômeurs, moins de pouvoir d'achat et moins de médecins généralistes ! Dans ce contexte, tes propos sur les 35 heures et le statut des fonctionnaires ne sont pas responsables. A quelques mois des régionales, cela fractionne la gauche.» Macron n'a pas le loisir de répondre. Manuel Valls, arrivé dans l'intervalle, se charge de la réplique à Yann Galut : «Tu crées toi-même la polémique en commentant les propos d'un ministre, comme la dernière fois avec Vidalies [sur le délit de faciès, ndlr]», recadre le Premier ministre, avant de rappeler son ministre à la règle commune : «Il appartient aux membres du gouvernement de ne pas ouvrir des débats qui ne ressortent pas de leurs compétences.»

Pour Valls, l'incident est clos. A la sortie du séminaire, il n'a pas un regard pour les caméras et micros qui l'attendent. Macron non plus qui, face à l'affluence, tourne carrément les talons, lâchant seulement aux journalistes qui, pense-t-il, l'ont piégé: «Moi, je ne répète pas ce qui se dit dans un huis clos !»