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Billet

Liberté d'expression : la mauvaise foi de Marine Le Pen

Marine Le Pen, dimanche à Amiens, pour le lancement de la campagne des régionales en Nord-Pas-de-Calais-Picardie. (Photo François Nascimbeni. AFP)
publié le 22 septembre 2015 à 18h48
(mis à jour le 22 septembre 2015 à 19h03)

On le savait, Marine Le Pen a le culot de son père. Alors que l'AFP a révélé mardi que la présidente du FN a été renvoyée devant le tribunal correctionnel de Lyon, le 20 octobre prochain, pour avoir comparé en décembre 2010 les «prières de rue» de musulmans à l'occupation nazie pendant la Seconde Guerre mondiale, celle qui allait prendre quelques mois plus tard, en janvier 2011, les rênes du parti d'extrême droite, a dénoncé mardi le «scandale qu'un responsable politique soit poursuivi pour l'expression de ses opinions», annonçant son intention d'aller «devant le tribunal pour le dire». Argument repris d'une seule voix par le choeur mariniste.

Au-delà du caractère choquant de ses déclarations initiales – on se souvient qu'en 2005, Jean-Marie Le Pen avait quant à lui jugé que l'occupation allemande n'avait pas été «particulièrement inhumaine» –, la patronne du FN fait preuve d'une sacréee mauvaise foi. A double titre. D'abord, parce que l'avocate qu'elle fut sait forcément que la liberté d'expression d'un responsable politique a les mêmes limites légales que celle d'un citoyen lambda. Ni plus, ni moins. Ensuite, parce que la fille de Jean-Marie Le Pen fait aussi mine d'oublier que c'est précisément pour les propos antisémites tenus en avril dans Rivarol par son eurodéputé et conseiller régional FN de père qu'elle cherche à le mettre à la porte du parti. Des propos que ce dernier, au même titre que sa fille, considère avoir tenus avec sa liberté de responsable politique. Pas de quoi exonérer le multicondamné de nouvelles poursuites judiciaires.

En octobre 2010, en pleine campagne interne face à Bruno Gollnisch, Marine Le Pen avait dénoncé une «occupation du territoire» et des «quartiers dans lesquels la loi religieuse s'applique». Suscitant un tollé jusque chez Jean-François Copé pour l'UMP. Le parquet de Lyon avait ouvert une enquête pour «incitation à la haine raciale», tandis que le MRAP et le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) portaient chacun plainte. L'enquête classée sans suite en septembre 2011, l'une des associations avait saisi le doyen des juges d'instruction de Lyon et une information judiciaire avait été ouverte en janvier 2012. Le vote de la levée de l'immunité parlementaire de l'eurodéputée Marine Le Pen, le 2 juillet 2013, a ensuite rendu possible sa mise en examen le 10 juillet 2014. Et le 11 septembre suivant, le parquet avait requis son renvoi devant le tribunal correctionnel. On peut être sûr que la présidente du FN, qui sera pour la première fois à la barre, transformera l'audience du 20 octobre en tribune politique.