A moins de deux ans de l'élection présidentielle, François Hollande cherche des sujets pour rassembler la gauche derrière lui. Le logement social «fait partie de ces thématiques fédératrices», pointe un haut responsable socialiste qui a beaucoup œuvré pour que le président de la République se rende jeudi au Congrès annuel des HLM, à Montpellier. Une tribune pour s'adresser indirectement aux 4,5 millions de locataires de ce parc ainsi qu'aux acteurs du logement social qui contribuent à la cohésion sociale en logeant à des loyers abordables des démunis, mais aussi les ménages modestes et moyens dans les grandes agglomérations. «Les loyers bas pratiqués dans le parc social, c'est une manière de donner du pouvoir d'achat aux ménages populaires et aux couches moyennes», explique ce responsable PS.
A gauche, le consensus autour du logement social se fait aussi sur la loi SRU, qui impose un quota de 25 % de HLM à toutes les villes dans un objectif de mixité sociale. D’aucuns rappellent que ce texte avait été adopté en décembre 2000 sous l’impulsion de trois ministres du gouvernement Jospin : le socialiste Louis Besson, le communiste Jean-Claude Gayssot et la verte Dominique Voynet. Un exemple de la gauche rassemblée pour François Hollande. A Montpellier, le chef de l’Etat devrait évoquer l’épineuse question des crédits budgétaires aux HLM que Bercy veut supprimer. A cette occasion, le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), qui finance au travers de prêts les constructions des HLM, Pierre-René Lemas (ex-bras droit du chef de l’Etat comme secrétaire général de l’Elysée) réaffirme la nécessité du maintien des aides publiques à la production de logements sociaux.
Quel sens donnez-vous à la visite de François Hollande au Congrès annuel des HLM ?
Quand 65 % des Français sont éligibles au logement social, nous pouvons dire que le secteur HLM est le reflet d’une grande partie de notre société et un chaînon structurant de notre socle social. Les HLM, ce sont 4,5 millions de logements où vivent près de 11 millions de personnes. Le Président souhaite sans doute donner un signe fort de confiance à un secteur vital pour la relance économique et surtout pour la cohésion et la mixité sociale, à un moment de changements importants : crise entre demande et offre locative sociale dans les grandes métropoles où l’on manque de logements à des prix accessibles ; poids croissant des flux migratoires ; regroupement des organismes de HLM, etc.
Lors de la campagne pour la présidentielle, le candidat Hollande avait promis la construction de 500 000 logements par an, dont 150 000 HLM. Nous en sommes loin…
A lui seul, le logement social réalise près du tiers de la production annuelle de logements neufs, contre 15 % il y a une dizaine d’années. En 2014, nous avons financé 122 000 logements sociaux. Cette année, la Caisse des dépôts, qui est le «banquier» du monde HLM, va financer à peu près le même volume. L’effort est réel.
Les organismes de HLM sont inquiets. Bercy veut supprimer l’aide à la pierre, c’est-à-dire les crédits d’Etat de 400 millions d’euros dévolus à la construction de logements sociaux. Qu’en dites-vous ?
Sans cette subvention de l’Etat, le logement social ne fonctionne plus. Même modeste, cette aide à la pierre est vitale. Sans cet appui, les organismes de HLM ne parviendraient pas à boucler le financement de leurs opérations, notamment en région parisienne où les subventions sont majorées du fait de cherté des terrains à bâtir. Mais le problème majeur est aussi celui des fonds propres des HLM, qui ont besoin d’emprunter plus.
André Yché, le directeur général de la Société nationale immobilière (SNI), la filiale qui chapeaute les sociétés de HLM de la Caisse des dépôts, a affirmé dans le passé que la construction de logements sociaux pouvait être financée par la vente de HLM existants. Qu’en pensez-vous ?
Je ne crois pas à ce modèle économique, même si des ventes à petites doses peuvent apporter aux organismes de HLM des moyens financiers qu’ils mettent dans des constructions neuves. Mais la cession d’une partie du parc locatif social ne peut pas remplacer les financements publics qui demeurent incontournables pour le logement social.
La Caisse des dépôts va piloter la construction de logements intermédiaires. Est-ce son rôle ?
En France, nous avons un réel problème de logement pour 30 000 à 40 000 familles de la classe moyenne, trop riches pour obtenir un HLM et trop pauvres pour se loger convenablement dans le parc locatif privé, où les loyers atteignent des sommets. Les ménages concernés se trouvent pour l’essentiel en région parisienne, sur le littoral méditerranéen ou dans les zones frontalières avec la Suisse. Pour répondre à ce besoin, nous devrions être en capacité de produire 35 000 logements intermédiaires dans les cinq années qui viennent. Nous avons déjà engrangé des engagements pour en construire 8 000 très vite.
N’est-ce pas de l’argent en moins pour les HLM ?
Non. Il n'y aura pas un euro en moins pour le logement social. Une filiale de la Caisse des dépôts va gérer deux fonds, destinés à accueillir des financeurs privés - assureurs, caisses de retraite… - pour la construction des logements intermédiaires. Pour que l'argent du privé arrive, il a fallu comme souvent amorcer la pompe. La Caisse des dépôts a mis 200 millions dans le premier fonds [plus 800 millions d'euros versés à la SNI, ndlr] et l'Etat 1 milliard dans le second fonds. Mais nous intervenons comme investisseurs et pas sur les fonds d'épargne. L'Etat comme la Caisse des dépôts pourront récupérer leur mise de départ par la vente des logements construits.
Le cahier des charges du logement intermédiaire comporte deux dispositions d’intérêt général : le loyer doit être maîtrisé - à mi-chemin entre les tarifs HLM et les prix du privé - et, dans chaque opération, 25 % des logements doivent être des HLM.
Quelle est votre stratégie sur le logement des plus démunis ?
Il y a encore une vingtaine d'années, Adoma [ex-Sonacotra, dont l'actionnaire majoritaire est désormais la SNI] ne logeait que des travailleurs migrants célibataires. Depuis, elle a considérablement élargi sa mission. Elle loge des personnes et des familles en grande difficulté, ainsi que des demandeurs d'asile dans ses 400 résidences et foyers. Pendant trop longtemps, l'Etat n'a pas investi et laissé se dégrader ce parc. Adoma est aujourd'hui dans notre giron. J'ai décidé de mobiliser une capacité financière de 2 milliards d'euros pour réhabiliter l'ensemble des foyers, et aussi en construire. Nous devons nous développer dans les bassins économiques dynamiques, pour loger des jeunes en formation ou qui débutent dans la vie active ainsi que les salariés précaires.
Le logement d’urgence est déjà saturé, comment faire face à l’accueil des réfugiés ?
Nous avons fait le point sur notre capacité d’accueil d’urgence au sein de notre parc de logements : elle est de 15 000 à 20 000 personnes.
Le secteur du bâtiment n’est toujours pas sorti de la crise, et la croissance française est toujours aussi faible. N’est-ce pas le signe qu’il a manqué à la politique économique du gouvernement une vraie politique de relance dans le BTP ?
Les choses sont en train de changer. Aujourd’hui, les chiffres sont bons. Les ventes dans le neuf enregistrent une hausse de + 23,1 % au deuxième trimestre 2015 avec 30 764 logements réservés. Quant aux permis de construire, ils recommencent à augmenter de 0,7 % par rapport aux trois mois précédents. Je vois aussi la remontée des transactions des notaires par la croissance de leurs dépôts à la CDC. J’ai confiance en ces bons indicateurs qui auront un impact dans les prochains mois sur les mises en chantier.
Toute la politique économique du gouvernement a été de baisser les charges des entreprises pour augmenter leurs marges, relancer l’investissement et l’emploi. Pourtant, l’investissement ne décolle pas…
Le discours des entreprises a changé. Avant, elles disaient : on a trop de charges, trop de fiscalité. Maintenant, elles disent : on a des commandes, il faut des machines, pour avoir des machines, il faut des financements, et pour avoir des financements, il faut des commandes fermes. Et on n'a pas de commandes fermes si l'on n'a pas de machines. Parfois on a, c'est vrai, l'impression de tourner en rond. J'ai demandé à Bpifrance [la Banque publique d'investissement] de prendre plus de risques : nos prêts aux entreprises ont augmenté de 31 % au premier semestre.
Cela veut-il dire que les banques privées ne font pas leur travail de financement de l’économie ?
Ce qui est sûr, c’est que Bpifrance prend des parts de marché. Nous vivons dans un monde où il y a une abondance de liquidités. Mais ce qui est difficile pour un patron de PME, ce n’est pas le financement, mais l’amorçage du tour de table. Le rôle de la BPI, c’est donc d’ouvrir le chemin, dire «nous, on y va».
Vous pensez sincèrement qu’une baisse du chômage est possible en 2016 ?
Oui, absolument. Les fondamentaux du début de l’année n’ont pas changé : pétrole pas cher, euro faible, taux d’intérêts bas. Le pacte de responsabilité et le CICE commencent à monter en puissance. Par exemple, le préfinancement du CICE par Bpifrance est devenu le principal instrument de la trésorerie des PME. Toutes les entreprises ont fini par comprendre que le CICE est hyper simple à utiliser. Tous les indicateurs favorables à la croissance sont là, avec deux bémols. Le premier concerne le ralentissement de l’économie chinoise. Mais je ne crois pas trop à un impact sur notre économie. L’autre bémol concerne l’investissement. Mais le climat est en train de changer. Je suis convaincu que l’on va constater un redémarrage de l’investissement dans les mois qui viennent. Et donc, au final, une reprise de l’emploi.