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Libération
A la barre

L'affaire Vincent Lambert de nouveau devant la justice

Vincent Lambertdossier
La question de la fin de vie revient devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ce mardi. François Lambert, le neveu, dénonce l’abus de pouvoir du CHU de Reims.
François Lambert, neveu de Vincent Lambert, le 20 juin 2014 à Paris. (Photo Marc Chaumeil)
publié le 28 septembre 2015 à 18h36
(mis à jour le 29 septembre 2015 à 9h50)

Saisi ce mardi, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne va de nouveau statuer sur la vie de Vincent Lambert. La coïncidence est terrible. Faut-il y entrevoir la triste ironie d’un temps devenu immobile ? En effet, il y a sept ans jour pour jour, le 29 septembre 2008, sur une route déserte, Vincent Lambert, 32 ans, infirmier en psychiatrie, se rend à son travail à l’hôpital de Châlons-en-Champagne. Il est victime d’un accident de voiture. Très grièvement blessé, tombé dans un état de coma profond, il est hospitalisé en réanimation au centre hospitalier de la ville, avant d’être transféré au CHU de Reims où il se trouve, depuis, dans un «état pauci-relationnel» ou état de «conscience minimale».

C’est donc un même 29 septembre que le tribunal va de nouveau statuer sur la vie de Vincent Lambert. Avec pour question : l’hôpital de Reims n’est-il pas en abus de pouvoir, en continuant à maintenir artificiellement en vie Vincent Lambert malgré les décisions des plus hautes instances juridiques ?

Disque rayé. La justice administrative a été saisie par son neveu, François. «Nous demandons au juge de faire prévaloir les intérêts et le droit fondamental de Vincent à ne pas subir d'acharnement thérapeutique comme il l'avait demandé, droit qui lui est illégalement refusé tous les jours par le CHU depuis la décision de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH)», a-t-il expliqué à Libération.

On dirait un disque rayé, avec toujours le même tribunal. Il y a plus deux ans, le 11 mai 2013, saisi par les parents de Vincent Lambert, ledit tribunal administratif de Châlons-en-Champagne avait enjoint l’hôpital de Reims de rétablir une alimentation et une hydratation pour Vincent Lambert. Le tribunal désavouant le docteur Eric Kariger, alors chef de pôle, pour ne pas avoir informé pleinement les parents de la mise en œuvre de la procédure.

Huit cents jours plus tard, on connaît la suite : il n'y en a pas. Vincent Lambert a maintenant 39 ans. Sa chambre est gardée, surveillée par un interphone. Ses parents y sont là presqu'à demeure. «C'est terrible ce temps qui s'étire pour rien», lâche un proche.

Rachel, la femme de Vincent Lambert, n'est pas venue au tribunal. Pour y faire quoi ? Pleurer devant les caméras ? Affronter les regards brutaux de ses beaux-parents, comme cette dernière fois, le 23 juillet à l'hôpital de Reims ? Ce jour-là, à la surprise générale, la docteure Daniela Simon, qui dirige désormais le service où est hospitalisé Vincent Lambert, avait en effet annoncé qu'elle décidait de surseoir à la décision d'arrêt de traitement. Et saisissait le procureur pour que soit désigné un représentant légal du patient. Elle estimait que «les conditions de sérénité et de sécurité nécessaires à la poursuite de cette procédure, tant pour Vincent Lambert que pour l'équipe soignante, ne sont pas réunies». Rien, pourtant, n'avait changé. «L'évaluation de Vincent Lambert a conduit à constater que la situation clinique était comparable à celle qui avait été rapportée par les experts mandatés par le Conseil d'Etat», notait ainsi l'hôpital dans un communiqué.

Une décision étonnante de la part de cette médecin, car une semaine auparavant elle avait affirmé à différents interlocuteurs qu’elle allait mettre en œuvre la décision d’arrêt de traitement, après une rapide réunion collégiale. Elle connaît la situation par cœur, c’est elle qui suit Vincent Lambert depuis près de sept ans. Pourquoi ce changement ? Que s’est-il passé ? Des menaces ? Daniela Simon est certes titulaire au CHU de Reims, mais elle est d’origine roumaine, avec un diplôme étranger. Peut-être s’est-elle sentie, elle aussi, bien seule ?

«Je suis effondré», lâche un des médecins qui s'est longtemps occupé de Vincent Lambert. «Il n'y a plus rien à espérer, ni même à attendre», précise une autre. Les parents ont demandé formellement le transfert de leur fils dans un autre établissement. «Nous estimons qu'il y a un manquement grave aux soins dus à Vincent qui sont constitutifs de voie de fait», a expliqué à l'AFP l'avocat des parents. L'hôpital de Reims, pour sa part, a engagé une agence de communication pour l'aider à gérer cette situation de crise. Coût du conseil : 90 000 euros.

Perdu. Que va-t-il, dès lors, se passer devant le tribunal de Châlons, ce mardi après midi ? On imagine mal des juges obliger des médecins à provoquer le décès d'un homme, même si c'est sous la forme d'un arrêt de toute alimentation et d'hydratation. Sur son lit d'hôpital, que peut bien attendre Vincent Lambert, perdu dans son absence ? Il a affirmé à plusieurs reprises qu'il ne voulait pas de cette vie-là, comme l'a rappelé la Cour européenne dans sa décision.