«Il [devrait] se regarder dans la glace – ce qu'il doit savoir faire – avant de parler». C'est peu dire que le ministre des Finances, Michel Sapin, était agacé, ce mercredi lors de la présentation du budget 2016, par l'interview de Nicolas Sarkozy, le matin même, dans les Echos. L'ex-président y expliquait que «depuis 2012, les entreprises et les ménages ont été écrasés par plus de 50 milliards de prélèvements supplémentaires». Faux, pour Sapin : «les plus grosses hausses d'impôts pour les entreprises datent de 2010-2012. Nous, nous les avons également augmentés, mais nous les avons déjà effacées.»
Enervé, Sapin. Lui qui a misé toute la com' de ce projet de loi de finances – le dernier en année pleine du quinquennat – sur le thème des «engagements tenus». Le déficit public, tout d'abord, sera bien réduit de 3,8% cette année à 3,3% en 2016. Quitte à faire un peu plus d'économies l'année prochaine – 16 milliards au lieu des 14,5 prévus initialement – notamment pour compenser les dépenses de dernières minutes (migrants, interventions extérieures, plan agriculture, etc.). Pour près de la moitié (7,4 milliards), ces économies incomberont à la Sécu, tandis que les collectivités locales verront leur dotation baisser de 3,5 milliards. L'Etat, de son côté, fera un effort de 5,1 milliards, dont 2,7 milliards sur les dépenses d'intervention (notamment l'APL), un milliard sur les agences de l'Etat, 0,8 milliard sur sa masse salariale, et 0,6 milliard sur ses dépenses de fonctionnement et d'investissement. Ce qui ne l'empêchera pas d'augmenter de près de 8 000 le nombre de fonctionnaires, notamment dans la défense nationale.
«Tenu» également l'engagement de baisser les impôts, sujet qui a piqué au vif le locataire de Bercy. Pour les entreprises, la baisse supplémentaire des prélèvements liée au CICE et au pacte de compétitivité sera de 9 milliards en 2016, pour atteindre 33 milliards au total, avant 41 milliards en 2017. Pour les ménages, la réduction de 2 milliards d'euros l'année prochaine est confirmée, après 3 milliards cette année. «Tenue» aussi la réduction du taux de prélèvements obligatoires, qui sera ramené à 44,5% du PIB en 2016 (après un pic de 44,9% en 2014), tout comme la réduction du taux de dépenses publiques à 55,1% du PIB. «Tenue», enfin, la stabilisation de la dette, qui atteindra tout de même un sommet l'année prochaine – 96,5% du PIB – et sera maintenue à ce niveau en 2017.
Bref, c'est le budget des «engagements tenus», petit visuel qui ornait chaque page du dossier de presse du ministère. Une communication un peu surprenante, cependant, dans la mesure où l'on ne sait plus à quels engagements ce budget fait référence. S'il s'agit de ceux de 2012, on en est très loin. Pour mémoire, le déficit public devait être réduit à 3% dès 2013, et la dette ramenée à 85,8% en 2015. S'agit-il alors des – nouveaux – objectifs de 2013, année où la Commission européenne nous a accordé un délai jusqu'en 2015 pour réduire notre déficit sous les 3% ? Là encore, on en est loin, puisque la France sera à 3,8% à la fin de l'année. L'«engagement tenu» a trait en réalité à l'énième report – 3% en 2017 – accordé en début d'année par la Commission. Or nous ne sommes qu'en 2015. Les multiples révisions au cours des dernières années devraient rendre l'exécutif plus prudent.