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Libération

Fonctionnaires : Valls double les partenaires sociaux

Le Premier ministre a choisi, mercredi, de passer en force sur le projet d'accord sur la rémunération et les carrières des fonctionnaires. Un pied de nez aux syndicats non-signataires qui avaient refusé de signer le texte.
Le Premier ministre Manuel Valls et le ministre de l'Economie Emmanuel Macron, le 21 juillet 2015 à Paris. (Photo Thomas Samson. AFP)
publié le 30 septembre 2015 à 13h46

Réaffirmer son «attachement au dialogue social» et passer en force un accord retoqué par les syndicats, c'est au mieux déroutant. Au pire, contradictoire. C'est pourtant ce qu'a fait Manuel Valls en annonçant, mercredi, sa volonté d'appliquer l'accord sur la rémunération des fonctionnaires, bien que ce dernier n'ait pas recueilli les 50% de voix nécessaires de la part des neuf syndicats représentatifs du secteur. La faute, en partie, à la CGT qui a refusé, mardi, de valider le texte. La centrale de Montreuil jugeant notamment son calendrier «inacceptable», puisque l'application des principales mesures n'est prévue que pour 2017.

Pour beaucoup, le texte était donc, dès lors, enterré. Mais c'était sans compter les calculs du Premier ministre : «Six syndicats sur neuf représentatifs de la fonction publique ont dit qu'ils signeraient l'accord, trois ont annoncé qu'ils ne signeraient pas. Les six sur neuf représentent 49% des fonctionnaires. Je reconnais que cela ne fait pas 50%», a-t-il expliqué mercredi matin, sur France Inter. Jusque-là, tout est logique. Mais comment alors justifier ce que la CGT qualifie de «passage en force» ? En zoomant sur la fonction publique de l'Etat, «qui représente pratiquement la moitié des fonctionnaires», et dans laquelle «les signataires sont très largement majoritaires, c'est-à-dire 59%», a poursuivi le Premier ministre.

«Face à une situation inédite, il faut sans doute une décision exceptionnelle», a-t-il conclu, pour justifier cette entorse au dialogue social. Et ce, alors même, qu'il se passionnait, il y a quelques jours à peine, pour le rapport Combrexelle et le développement de la concertation à tous les niveaux : interprofessionnel, de branche et d'entreprise. Mais, à en croire Manuel Valls, «la situation est différente dans la fonction publique, [car] les accords majoritaires ne s'y appliquent pas forcément».

L'annonce tranche, par ailleurs, avec le discours, jusqu'alors, de la ministre de la fonction publique. Initialement, Marylise Lebranchu avait indiqué que faute d'accord majoritaire, le gouvernement retirerait toutes ses propositions, y compris celle sur une négociation salariale en février, alors que le point d'indice, qui sert de base au calcul des salaires des fonctionnaires, est gelé depuis 2010. Du «chantage» selon la CGT, qui assurait toutefois que «sur des bases nouvelles, la CGT demeur[ait] disponible pour une reprise des négociations sur les enjeux de PPCR». Mais le gouvernement a pris de court le syndicat, en reprenant la main sur les négociations. Place donc à la «consternation» pour la CGT.

Ce n'est pas la première fois que l'exécutif joue de cette botte secrète. En janvier, l'ex-ministre du travail, François Rebsamen, avait repris le stylo aux partenaires sociaux, alors incapables de se mettre d'accord sur la réforme du dialogue social. A l'époque, la CGPME, campant sur des positions tranchées, avait fait figure de grande perdante de ce retournement de situation. Au tour de la CGT donc, de perdre au jeu. Et de subir les foudres de Manuel Valls, qui s'en est pris au «refus de s'engager de certains, le refus de prendre leurs responsabilités». Ou encore aux «positions déterminées et aux postures» nuisant, selon lui, au syndicalisme. A quelques jours de la prochaine conférence sociale qui se tiendra le 19 octobre, et alors que la CGT menaçait de ne pas y participer, pas sûr que tout cela facilite… le dialogue social.