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Libération
Merci de l'avoir posée

Pourquoi le brevet est-il sans cesse remanié ?

Alors que la ministre de l'Education annonce un brevet plus «étoffé», retour avec le professeur Philippe Savoie sur l'histoire de cet examen qui a toujours eu du mal à briller.
Najat Vallaud-Belkacem le 11 septembre. (Pascal Pavani. AFP)
publié le 30 septembre 2015 à 19h33

La ministre de l'Education, Najat Vallaud-Belkacem, a présenté ce mardi sa réforme de l'évaluation, «dernière pierre à l'édifice de la refondation de l'école», a-t-elle déclaré avec solennité. En réalité, les changements ne sont pas de grande ampleur. Elle ne touche pas aux notes, sujet qui passionne et électrise en un rien de temps.

Principales annonces : un nouveau livret de compétence qui suivra l’élève du CP à la troisième, des bulletins scolaires trimestriels standardisés. Et un diplôme national du brevet «nouvelle formule». Les élèves de troisième passeront à compter de l’année prochaine un oral de français de quinze minutes et une heure d’écrit supplémentaire (un exercice de programmation informatique, et en «rotation» une épreuve de physique chimie ou de SVT). Le système de notation du brevet change aussi : le contrôle continu ne sera plus basé sur la moyenne des notes obtenues dans l’année mais sur une évaluation par le professeur principal des apprentissages du socle commun. Enfin, la ministre a annoncé fièrement une cérémonie de remise du diplôme du brevet, avec parents et élus locaux.

Philippe Savoie, professeur d’histoire à l’ENS de Lyon, revient sur l’histoire chahutée du brevet, qui n’a jamais réussi à briller.

D’où vient cet examen ?

Pour comprendre l'origine de cet examen, il faut remonter dans le temps. Au XIXsiècle. A l'époque, le mot «brevet» faisait référence au brevet élémentaire, un niveau de qualification qui permettait d'accéder à certains postes de l'administration ou au métier d'instituteur. Par la suite, est apparu le «brevet d'enseignement primaire supérieur». On se souvient beaucoup plus du certificat d'études, apparu un peu au même moment, mais qui a tout de suite été plus populaire car il concernait beaucoup plus d'élèves. Ceux qui poursuivaient un peu leur scolarité dans ce qu'on appelait «le primaire supérieur» passaient ce fameux brevet à l'âge de 16 ans environ. C'était un niveau de qualification intermédiaire qui correspondait à un niveau de salaire sur le marché du travail.

A la sortie de la guerre, ce «brevet d’enseignement primaire supérieur» sera remplacé par le fameux BEPC (le brevet d’études du premier cycle du second degré), le certificat d’études continue d’exister, mais perd peu à peu beaucoup de son prestige et de son utilité sociale. Il y aura un autre grand changement, à la fois sémantique mais aussi dans la philosophie, en 1980. On parle désormais de «diplôme national de brevet des collèges». C’est le résultat des réformes adoptées dans l’intervalle : la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans, et la loi Haby sur le collège unique. Dans ce cadre, le brevet vient sanctionner la fin de la scolarité obligatoire et doit être le même pour tous. Nous sommes toujours dans cette logique aujourd’hui.

Pourquoi ces incessantes réformes sur le brevet au cours des dernières années ?

Il y a régulièrement des petits aménagements sur de la façon d’organiser l’examen (le contenu des épreuves, le fait de dispenser ou pas certains élèves…). L’idée est surtout d’éviter que cela ne devienne un casse-tête aussi monstrueux que le baccalauréat. Il y a aussi des changements pour redorer le blason de ce diplôme. La cérémonie républicaine annoncée par la ministre en est une illustration, à mon sens. Il me semble que le brevet d’aujourd’hui a pris à certains égards la place du certificat d’études d’hier. D’ailleurs, le discours sur le «socle commun de compétences» que doivent maîtriser les élèves à la sortie de la scolarité obligatoire fait écho à ce que Jules Ferry appelait à l’époque «le petit trésor d’idées» que les enfants devaient retenir de leur scolarité. L’analogie s’arrête là. Car à l’époque, les élèves qui échouaient au certificat d’études ne pouvaient pas continuer. Pour le brevet, ce n’est pas le cas. Cela ne l’a jamais été.