Voilà plus d'un an que les experts et les pouvoirs publics réfléchissent à l'émergence «d'un contre-discours». Après moult tâtonnements sur le ton à employer, les autorités ont décidé de mettre le paquet sur la déconstruction du discours jihadiste par ceux qui en ont été directement victimes. Depuis fin septembre, le tribunal de Mulhouse propose des stages de déradicalisation pour «désintoxiquer» des personnes poursuivies pour des infractions liées à l'islam radical. Pour ce faire, les individus sont confrontés à des jeunes désembrigadés, ou à des familles frappées par la perte d'un ou plusieurs proches.
Le ministère de l'Intérieur et le secrétariat d'Etat à la famille présentent donc des clips s'inscrivant dans la même démarche de «valorisation du vécu.» On y entend Baptiste, Saliha, Jonathan et Véronique, qui ont tous pour point commun d'avoir fait face au départ de l'un des leurs enfants en Syrie. Ils sont les quatre porte-parole de la campagne, dont la diffusion sur les chaînes de télévision et dans les salles de cinéma débute à partir du 7 octobre. Sobres et centrés sur les témoignages, les clips sont à mille lieues de la précédente initiative de prévention imaginée par l'anthropologue Dounia Bouzar, autoproclamée spécialiste de la déradicalisation. Au lieu de la dramatisation à l'excès sur le thème «ils vous ont promis le paradis, et vous aurez l'enfer», les parents délivrent ici, en une minute vingt-cinq, un message simple et audible au plus grand nombre.
«Elle est partie le matin d’une belle journée»
Les quatre intervenants expliquent d'abord qu'ils n'ont rien vu venir. Ainsi, le fils de Véronique s'est envolé après un superbe week-end où il «avait fait des crêpes en famille», raconte sa mère dans la vidéo. Léa, la fille de Baptiste, a pris «un sac à dos et une écharpe» le matin d'une «belle journée». Jonathan, lui, explique qu'il «a pris la nouvelle en pleine gueule» via un appel téléphonique reçu un mois après.
Une fois en Syrie, c'est une autre histoire qui s'écrit. Léa, la fille de Baptiste, a eu un enfant et «construit sa vie dans un pays en guerre». Sabri, le fils de Saliha, est mort au jihad. Myriam, enfin, demande à ses parents et à son frère de la rejoindre sur place. «C'est très difficile de raconter ce que l'on vit. C'est mal vu. Il y a beaucoup d'amalgames. Il ne faut pas rester seul car le pire c'est de ne pas parler», conclut Véronique dans son intervention.
Chacun des clips s'achève avec l'affichage du numéro vert mis en place par le gouvernement pour signaler les profils à risques. «Nos témoignages ont un sens. Aider les autres parents et montrer à ceux qui seraient tentés par le jihad ce que vivent les familles. En le faisant nous nous portons garants de ce numéro d'appel. A ceux qui sont derrière de jouer leur rôle», exhorte Jonathan.