Code de l’urbanisme contre Déclaration des droits de l’homme. Samedi à Norrent-Fontes (Pas-de-Calais), un collectif d’associations et plusieurs artistes appellent à une journée de mobilisation pour soutenir Terre d’errance, association de défense des migrants. A l’heure de la mobilisation nationale pour l’accueil des réfugiés, cette dernière vient d’être entendue par les gendarmes. Ce qu’on lui reproche : avoir reconstruit des cabanes en bois montées il y a plus de trois ans par Médecins du monde, avec l’accord du précédent maire, et en partie détruites en avril après un feu accidentel. Le problème ? Elles sont en zone agricole. Tout en revendiquant les faits, Terre d’errance refuse de donner les noms des bénévoles qui ont planté les clous et porté les planches.
Quand deux cabanes sur les quatre du camp ont brûlé au printemps, l'association s'est retroussé les manches pour reconstruire. Le maire du village a alors signé un arrêté d'interruption des travaux. Terre d'errance a d'abord obtempéré, puis fini par désobéir au cours de l'été. Après de fortes pluies dans la région, elle a fait nouer une bâche sur un chalet et bouché les fentes d'un autre au nom des «droits fondamentaux» des 160 Erythréens, Soudanais, et Ethiopiens - dont plus d'une moitié de femmes et de jeunes filles - qui dorment là en attendant de se glisser dans un camion pour l'Angleterre.
Le lieu est une sorte de petite réplique de la «jungle» de Calais. On y accède par un chemin boueux inondé les jours de pluie. Entre les champs et une ligne à haute tension, quatre abris en bois et des dizaines de tentes fatiguées. «Mettre en avant le code de l'urbanisme pour des baraques en plein champ, en pleine crise des réfugiés, c'est disproportionné», résume le Dr Patrick Fumery, qui fait partie des bénévoles entendus par les gendarmes.
Le maire, Bertrand Cocq, qui dit avoir rédigé l'arrêté municipal avec l'aide des services préfectoraux, et qui a signalé l'affaire au procureur, met en avant le nombre important de migrants, passés de 50 à 160 en trois ans, et la charge pour une petite commune de 1 500 habitants. «Après l'incendie, on les a logés dix jours dans la salle communale, et les enfants du centre aéré ont dû faire la cantine dans la salle des mariages.» Autre argument : «Si on laisse faire, tout le monde fera ce qu'il veut dans le village.»
Si le procureur Philippe Peyroux décide de les poursuivre, les bénévoles risquent trois mois de prison et 75 000 euros d'amende. Le fera-t-il ? Pas sûr. «Il y a infraction si elle est constituée, répond le procureur à Libération. Ce n'est pas une construction nouvelle. Il s'agit d'une remise en état partielle de baraquements qui étaient là depuis plus de trois ans, avec l'accord du précédent maire. Ensuite, on s'intéressera à l'opportunité des poursuites, dans un contexte d'afflux de migrants dans toute l'Europe, et où les gouvernements s'engagent dans l'accueil. On en est là.»