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Libération
Éditorial

La primaire, voilà l’ennemie pour Sarkozy

publié le 13 octobre 2015 à 19h36

Qu'on se le dise, le parti Les Républicains (LR) est en pleine dynamique et son président le fait grandir et prospérer. Chaque fois qu'il prend la parole, Nicolas Sarkozy ne manque pas de s'enthousiasmer pour la mobilisation des «innombrables» militants-internautes qui se sont donné la peine de plébisciter, d'un simple clic, les propositions du parti pour l'immigration. En bon soldat, son ex-ministre Eric Woerth court, de micro en micro, pour faire la publicité de la «plateforme participative» qui nourrit, selon lui, «le projet d'alternance» du parti. Cerise sur le gâteau, on apprenait lundi, grâce au Parisien, que Sarkozy allait renouer mardi soir avec les réunions du «Premier Cercle», ces donateurs qui déboursent jusqu'à 7 500 euros pour leur candidat préféré. Cette vieille habitude était tombée en désuétude. Mais les affaires reprennent, et le chef de LR tient à ce que personne n'en doute.

A en croire ses plus cruels concurrents, l'énergie que déploie Sarkozy pour célébrer son œuvre de «chef de la famille» serait plutôt celle du désespoir. Le diagnostic est sans doute sévère. Mais il est vrai que la machine partisane est loin de tourner à plein régime. L'UMP «refondée» n'attire pas la foule militante que devait soulever le retour de l'homme providentiel. Et même si les finances du parti se redressent, les généreux mécènes ne se bousculent pas pour soutenir Sarkozy, comme ce fut le cas avant les dernières campagnes présidentielles (lire aussi pages 16-17). Quant au projet d'alternance du parti, il est accueilli, tout «participatif» qu'il soit, dans une certaine indifférence. Comment pourrait-il en être autrement, dès lors que chacun sait que ces propositions n'engagent en aucune façon les candidats à l'élection primaire de novembre 2016 ?

La primaire, voilà l'ennemie ! C'est elle qui disperse les forces militantes, intellectuelles et financières. Alain Juppé, François Fillon et Bruno Le Maire disposent tous les trois de leurs propres partis, de leurs propres think tanks et de professionnels aguerris chargés d'organiser les levées de fonds. Aucun n'est disposé à jouer le jeu du rassemblement sous la houlette d'un parti qui est, à l'évidence, l'instrument de Sarkozy. On comprend mieux, dans ces conditions, pourquoi ce dernier juge soudain «irréaliste» et démesurée l'ambition d'organiser une primaire massive, avec 10 000 bureaux de vote susceptibles d'accueillir plus de 3 millions d'électeurs. «Faux procès !» proteste son entourage : l'ancien chef de l'Etat n'aurait absolument pas l'intention de revoir à la baisse ce rendez-vous démocratique.

Sarkozy est-il prêt à admettre que l’organisation de cette primaire, ouverte aux partis du centre, ne relève pas de lui mais d’un comité qui n’a de compte à rendre qu’à une «haute autorité», indépendante de LR, tant politiquement que financièrement ? La question devrait être à l’ordre du jour du prochain bureau politique, sans doute début novembre. Une bonne occasion de clarifier les choses.