Il a rasé ses longs cheveux qu'il portait teints en noir de jais et qui lui donnaient l'air d'un méphisto. Il a enfilé chemise blanche et veste de costume, s'est converti à la religion musulmane, «une paix intérieure». Tony Meilhon, 36 ans, comparaît depuis mardi en appel devant la cour d'assises de Rennes. Le 19 janvier 2011, à la Bernerie en Retz (Loire Atlantique), il a tué de 44 coups de couteau, puis découpé en morceaux Lætitia Perrais, 18 ans. L'horreur des faits, leur instrumentalisation par Nicolas Sarkozy dénonçant le dysfonctionnement de la justice (sorti de prison après un outrage à magistrat, Tony Meilhon n'avait pas été convoqué pour son suivi) assurent à son procès une importante couverture médiatique. Cela ne semble pas lui déplaire. Tony Meilhon, par l'intermédiaire de son avocat, annonce des révélations sur l'identité d'un mystérieux complice qu'il appelle pour l'instant «Monsieur X», et qui aurait découpé le corps de Lætitia à sa place.
La première journée d'audience était consacrée à l'examen de sa personnalité. D'une voix calme, parfois même trop douce pour être distincte, Tony Meilhon a retracé les étapes de son enfance. Quand il naît, sa mère a déjà trois enfants. L'aîné est issu du viol de sa mère par son grand-père. Ses parents se séparent lorsqu'il a quatre ans; son père, alcoolique, est déchu de l'autorité parentale en raison de violences sur son épouse. «Moi, je n'ai pas eu le choix, dit Tony Meilhon à la barre. J'étais très proche de mon père, et je ne l'ai plus revu jusqu'à mes 15 ans. Je pense qu'il aurait été important de me demander mon avis.» Ce nouveau ton, cette «voix de la raison» qui est désormais celle de l'accusé, les avocats des parties civiles et journalistes présents à son premier procès en juin 2013 ont besoin d'un petit temps pour s'y habituer. Bien sûr, on reconnaît le visage blanc livide, les étranges sourcils quasiment absents, les épaules carrées. Mais le Tony Meilhon provocateur de l'époque, celui qui semblait jouir à répéter qu'il était «un monstre», à se poser en incarnation du mal devant les assises de Nantes, est devenu à Rennes Tony Meilhon le repenti. «C'est sûr, je n'ai pas voulu dans les premiers temps faire face. Aujourd'hui c'est différent. J'accepte. Je regrette bien sûr. C'est le dernier procès. C'est là où le travail de deuil va commencer.»
Barrière de protection
Métamorphose, donc. Mais quelque chose de frappant reste intact: le contrôle, l'absolu contrôle que cet homme semble avoir besoin d'exercer sur tout qui se joue à son procès. Ainsi explique-t-il avoir donné à son avocat les noms des jurés qu'il souhaitait voir récusés, comme il précise avant le résumé de l'ordonnance de mise en accusation que «ce qui est porté dans ces écrits n'est pas forcément la vérité». Même pour excuser ou non des témoins absents, il tient à donner son avis, s'efforçant de garder son phrasé humble et contrit. Le rôle a changé. Le besoin de jouer une comédie est le même. Une barrière de protection entre lui et ses actes.
Tony Meilhon le sage, comme Tony Meilhon le satan, s'autorise à s'apitoyer sur son enfance – objectivement massacrée. A 8 ans, un beau-père qui deviendra honni débarque dans sa vie. Sa mère, avec qui il vivait en fusion, chouchouté, le rejette du jour au lendemain. Son quotidien devient un combat pour tenter de récupérer l'attention maternelle. Jusque-là excellent élève, il se retrouve parmi les derniers de la classe. Avec son beau-père, il est «en rivalité»: «Il a changé toutes les règles, il a dit: "Maintenant, ce sont mes règles à moi."» L'homme le bat. Mais, insiste Meilhon, «il n'y a pas que les violences physiques, il y a les violences psychiques aussi». A 11 ans, Tony Meilhon a déjà commis ses premiers actes de délinquance, vols, violences. A 13 ans, sa mère le place en foyer. «Ils ont décidé de se débarrasser de moi.» A 14 ans, il s'enfuit de l'établissement, erre jusqu'à retrouver le chemin du domicile parental. «J'avais froid, j'avais faim, j'avais mal aux pieds d'avoir tellement marché. Ma mère m'a dit: "On ne veut plus de toi ici."» - «Quand même, vous avez sorti un revolver», nuance le président. - «Oui, c'est vrai, je l'ai sorti devant ma mère, mais immédiatement je l'ai mis sur ma tempe et j'ai dit: "C'est ça que tu veux?"» A 15 ans, Tony Meilhon est incarcéré pour la première fois.
«Bonnes œuvres»
Il a passé 18 années en prison, la moitié de sa vie. «Je n'aime pas la prison. Mais là-bas j'ai un équilibre. Je me lève le matin, je vais au sport, s'il y a du travail je travaille, je poursuis mes études par correspondance, j'essaie de faire des bonnes œuvres… J'ai sauvé la vie d'un codétenu qui voulait se pendre. J'ai reçu les remerciements de l'administration pénitentiaire pour cela. C'était la première fois.»
Le président lève les yeux: «Mais est-ce que l'on a à être remercié pour des choses que tout à chacun se doit de faire?» - «Non, du tout, opine le bon élève Meilhon. Mais ces remerciements, c'est aussi une façon de montrer que je ne suis plus mauvais, que j'aspire à autre chose.»
En 1999, pendant plusieurs mois, il a eu une «phase rangée»: «J'avais une petite amie, un appartement, un travail d'agent de sécurité, un chien.» La justice l'a rattrapé pour des faits commis quatre ans auparavant, en prison. Avec plusieurs codétenus, il avait frappé, «corrigé» selon eux, un homme incarcéré pour viol. Ils l'auraient aussi pénétré avec un manche à balai, ce que Meilhon réfute. Il prend cinq ans de prison. Ressort sans rien, avec «la rage au ventre. J'avais essayé de tout remettre en place et ils ont tout détruit. Dès ma première semaine de sortie, j'ai été voler un camion et j'ai fait un braquage. J'ai enchaîné les vols, je suis tombé dans la drogue, c'est devenu un cercle.»
En prison, Tony Meilhon ne reçoit aucune visite. Il a un fils de 11 ans, placé dans une famille d'accueil, qu'il a vu «48 heures en tout et pour tout dans sa vie, à travers des parloirs». Sa mère et sa sœur, appelées à témoigner à son procès, ont envoyé des lettres pour dire qu'elles ne viendraient pas.