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Nanard

Guéant dit qu'il comptait pour des prunes dans le dossier Tapie

L'ex-bras droit de Sarkozy, à Bercy puis à l'Elysée, a été placé sous le statut de témoin assisté dans l'affaire de l'arbitrage pour solder l'affaire Adidas. Pour sa défense, il prétend qu'il n'avait aucun pouvoir décisionnel.
7 octobre, Paris. Claude Guéant au tribunal correctionnel de Paris lors de son procès pour des primes en espèce. (Photo Albert Facelly)
publié le 14 octobre 2015 à 16h27
(mis à jour le 14 octobre 2015 à 20h34)

Claude Guéant était entendu mercredi par les juges d'instruction en charge de l'affaire Tapie, en vue d'une éventuelle mise en examen. Son «interrogatoire de première comparution» s'était initialement déroulé le 2 septembre, entamé par la formule habituelle : «Nous envisageons votre mise en examen pour les faits dont nous sommes saisis.» Avant d'être interrompu au crépuscule, l'audition traînant en longueur. Il a repris ce mercredi. Claude Guéant a évité la mise en examen mais en est sorti sous le statut de témoin assisté.

Dans ses premières déclarations devant les juges, dont Libération a pris connaissance, Claude Guéant campe le petit télégraphiste de Nicolas Sarkozy, à Bercy puis à l'Elysée. «Le rôle du secrétaire général du Président de la République est de s'assurer qu'un dossier est bien pris en charge. Aucun de ses collaborateurs n'a qualité, ni juridique ni politique, pour donner des instructions.» Il n'aurait donc «donné aucun avis» sur la médiation (période Bercy) puis l'arbitrage (période Elysée) réclamé par Bernard Tapie pour solder son litige avec le Crédit lyonnais en marge du litige Adidas.

Surfant peut-être sur la jurisprudence Pérol à venir, du nom du secrétaire général adjoint de l'Elysée qui vient d'être relaxé dans l'affaire BPCE au motif qu'un conseiller élyséen n'aurait aucun pouvoir en vue d'orienter une décision présidentielle, Guéant se défausse volontiers sur Pérol: «J'ai rencontré parfois Bernard Tapie, il me disait deux ou trois phrases sur son affaire que je relayais vers François Pérol, qui était le dépositaire de ses messages.»

Claude Guéant est malgré tout contraint de concéder une relation personnelle avec Bernard Tapie - «de mémoire, j'ai dû dîner une fois chez lui» - dépassant son simple rôle de facteur. S'il dément tout copinage autre que «fonctionnel», il finit par s'agacer quand les juges lui mettent sous le nez la récurrence de leurs contacts: «Tout de même, nous sommes dans un pays où l'on peut bavarder, où on est libre de parler à qui on veut !»

L'homme à tout faire de Nicolas Sarkozy, lequel lui sous-traitait volontiers petites et grandes manœuvres, a donc eu à traiter avec Nanard. «Quelqu'un d'hyperactif, volontariste», euphémise-t-il avant de bémoliser: «Ce n'est pas parce que Bernard Tapie émet un vœu que son interlocuteur lui donne une suite favorable.»

Stéphane Richard, actuel PDG d'Orange, était alors directeur de cabinet de Christine Lagarde, ministre des Finances. Mis en examen, il a témoigné: «Mon interlocuteur à l'Elysée sur ce dossier était Claude Guéant, qui m'est apparu dès le départ très impliqué sur cette affaire.» Ce dernier renvoie une fois de plus la balle vers François Pérol, qu'il qualifie aimablement de «correspondant» de Bercy.

En bon moine soldat, Guéant prend soin de ne pas nuire à Sarko. Lequel aurait selon lui prévenu personnellement Tapie que le seul règlement amiable possible serait sur le principe «ni riche ni failli». Et de mouiller ses prédécesseurs et successeurs aux Finances : «Dominique Strauss Khan y était favorable, Laurent Fabius l'avait proposé, Thierry Breton ne s'y est pas opposé.» Sauf que seul Nicolas Sarkozy est passé à l'acte.

Le soutien de Bernard Tapie à sa campagne présidentielle de 2007 y serait-il pour quelque chose ? (lire l'extrait de sa déposition dessous). Claude Guéant le nie et ne voit guère qu'une seule «grave irrégularité» dans cette affaire : que François Hollande ait balancé aux enquêteurs les archives élyséennes de Nicolas Sarkozy.