Toujours avide d’arguments lui permettant d’affirmer qu’en France les étrangers sont mieux traités que les «vrais Français» tout beaux tout purs, l’extrême droite s’est emparée mardi d’une note interne de la SNCF suggérant que des groupes de migrants prenaient le train gratuitement. La polémique a si bien gonflé que Xavier Bertrand, en campagne pour les régionales dans le Nord, s’en est saisi mercredi.
Ça commence donc mardi matin, avec des tweets de Marion Maréchal-Le Pen et Robert Ménard, la première étant candidate du FN aux élections régionales en Paca, le second maire de Béziers soutenu par le Front. «La SNCF propose le train gratuit pour les migrants… Et pourquoi pas le restaurant offert à vie ?» s'interroge ce dernier.
Les autres avant les nôtres : pour les #migrants, le train, c'est gratuit !
— Marion Maréchal (@MarionMarechal) October 13, 2015
Merci @SNCF ! pic.twitter.com/BMW71RgfRR
«Eviter tout risque de conflit»
A l'appui de son coup de gueule, la candidate FN publie quant à elle une note interne de la SNCF. Que dit-elle ? Qu'à compter du lundi 5 octobre, «certaines escales peuvent émettre, si les conditions le permettent, des réservations à 0 euro pour mesures exceptionnelles afin de faciliter le placement d'un groupe à bord du train et préserver le confort des autres voyageurs».
Traduction par la SNCF elle-même, qui a réagi auprès de l'AFP : la compagnie a effectivement mis en place cette possibilité de réservation gratuite «pour attribuer des places numérotées à ces populations afin qu'elles restent groupées et qu'on évite tout risque de conflit entre voyageurs si jamais elles allaient occuper des places réservées par d'autres». Il n'y a donc «pas de billets gratuits pour les migrants», explique Christophe Piednoël, directeur de l'information de la SNCF, car «ces personnes sont contrôlées comme les autres, doivent être munies d'un billet comme les autres, peuvent faire l'objet d'un PV comme les autres». Mais les équipes, «soit en gare, soit à bord des trains, ont été appelées au discernement», ajoute-t-il.
Concrètement, les contrôleurs continuent de vérifier les billets de tous les passagers, mais s’ils tombent sur un groupe de réfugiés dépourvus de titre de transport, plutôt que de les éjecter à la prochaine gare ou de les verbaliser systématiquement, ils peuvent leur attribuer des places en seconde classe.
«Avec des titres de transport»
Et Christophe Piednoël de préciser : «Pour nous, ce ne sont pas des fraudeurs qui cherchent à profiter du système. Ce sont des gens qui sont dans une situation exceptionnelle très souvent de détresse et de fatigue, il est normal de les gérer avec humanité.» Il souligne d'ailleurs que «les migrants voyagent en quasi totalité avec des titres de transport, parce qu'ils se sont souvent munis d'argent pour assurer leur voyage, et ils sont aussi soutenus par des associations qui prennent en charge le montant des billets».
Malgré cette mise au point, l'excitation a aussi gagné ce mercredi Xavier Bertrand, candidat Les Républicains dans la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, où la note a également circulé. L'intéressé a écrit une lettre ouverte au président de la SNCF afin de lui demander «des explications» et, «en tout état de cause, de nous dire quelle solution vous entendez mettre en place afin d'en finir avec ce passe-droit».
#SNCF : les #migrants pourraient voyager sans payer. Inacceptable ! ➡ http://t.co/ftQSBEfySw pic.twitter.com/yyfBKry6MM
— Xavier Bertrand (@xavierbertrand) October 14, 2015
Dans l'après-midi, le député Les Républicains Gérald Darmanin, membre de la campagne de Xavier Bertrand, a porté le sujet à l'Assemblée nationale pendant les questions au gouvernement, en interpellant ainsi Manuel Valls :
«Nous avons appris que la SNCF permettait de ne pas contrôler les migrants, ou pire de les laisser voyager à zéro euro, de préférence en première classe, en seconde classe monsieur le Premier ministre. Non seulement la SNCF ne dément pas, mais en plus elle a l'air d'accepter cette décision ahurissante.»
De fait, la SNCF ne dément pas, comme nous l'avons vu plus haut, puisqu'elle assume cette politique. Mais plutôt que de la soutenir dans ce choix, Manuel Valls a préféré assurer qu'«aucune instruction n'a été donnée à la SNCF de relâcher le contrôle [des billets], bien au contraire». Conclusion du Premier ministre : «cette information n'a pas de sens et ne croyez pas tout ce qui se dit dans la presse.»